Parlons de Paix

par 26 Mai 20192019, Homélies, Temps Pascal

Alors, pour qui allez-vous voter aux élections aujourd’hui ? Bon, rassurez-vous, le dilemme est plus simple qu’il n’y paraît, dans la mesure où les candidats se répartissent en définitive en deux grandes catégories : ceux qui sont favorables à l’Europe telle qu’elle existe actuellement, et ceux qui lui sont défavorables. Or vous aurez remarqué que tous, quelle que soit la catégorie de laquelle ils relèvent, invoquent ultimement le même argument : voter pour le camp adverse, c’est ouvrir la porte au chaos. Signe que la paix est une préoccupation majeure de nos dirigeants. Dieu merci !
 
L’amusant ici est que nous avons donc à nous prononcer sur cette question de paix en ce jour où le Christ, dans l’Évangile, nous laisse justement la paix, nous donne sa paix. Or au-delà de l’apparente similitude, il n’est pas sûr que la paix que le Christ nous laisse soit exactement celle que les politiques nous promettent. Le Christ ne nous donnant pas la paix à la manière du monde.
Nous pouvons nous y méprendre car lorsque nous parlons de paix, nous pensons assez spontanément à la paix politique qui règne entre les hommes ou entre les nations. Une paix qui se caractérise et se limite tout simplement à une absence de conflits entre les peuples. Ce n’est pas faux. Mais c’est un peu court, jeune homme ! Et cela en raison d’une double erreur. La première qui limite la paix à la seule absence de conflits. La seconde qui limite la paix à la seule paix politique entre les hommes.
 
Première erreur, limiter la paix à l’absence de conflits. M. et Mme Sans-souci sont mariés depuis X années. Ils vivent ensemble sans jamais se disputer ni se quereller, ni même avoir un mot plus haut que l’autre. Et pour cause ! Ils ne se parlent jamais ni se soucient réellement l’un de l’autre. Certes ce couple n’est peut-être pas en guerre, en crise ou en conflit, mais pouvons-nous vraiment dire qu’il vit en paix pour autant ? Que nenni ! Il lui manque quelque chose.
C’est que la paix ne se définit pas simplement en référence à la guerre. Pour cette raison que ce n’est pas le bien qui est défini en référence au mal (la bonne santé, c’est n’être pas malade), mais c’est le mal qui est défini en référence au bien (la maladie, c’est ne pas être en bonne santé).
 
C’est pourquoi, plus qu’une absence de conflits, la paix est la tranquillité de l’ordre, pour reprendre la définition classique de s. Augustin. Une tranquillité de l’ordre qui ne se confond pas avec le simple calme repos de l’inaction et de la passivité, un calme comparable à celui de la paix des cimetières. Mais une tranquillité de l’ordre qui est bien plutôt la convergence de tout et de tous, ordonnée vers un bien qui assure l’unité entre tout et tous. Pour le dire autrement, la paix est cette tranquillité de l’ordre où tout et tous convergent vers un seul et même bien qui nous unit et nous unifie.
 
Seconde erreur, limiter la paix à la seule paix politique. Cette paix politique qui règne entre les hommes et entre les peuples. Cette paix politique qui certes assure un authentique accord entre nous, mais qui par suite relève en fait de la concorde plus que de la paix véritable. La concorde en effet c’est cette paix extérieure à nous-même, qui règne entre nous. Et en tant que telle, elle est un effet de la paix et non la paix à proprement parler. Car la paix, avant d’être accord avec autrui, est d’abord accord avec soi-même.
La vraie paix, plus que cette concorde extérieure, est avant tout une paix intérieure. Celle qui règne en notre cœur. Une paix intérieure qui tient à l’unification en notre cœur de toutes nos tendances, de tous nos désirs dans la poursuite de notre vrai bien. Par suite, c’est de cette unification intérieure, où tout converge en nous autour d’un vrai bien qui nous attire et nous unifie intérieurement, c’est de cette pacification du cœur de l’homme, que procède une authentique concorde entre nous, i.e. notre unité autour du vrai bien commun qui nous rassemble et nous unit.
 
Dès lors, nous comprenons que la paix est fondamentalement un effet de la charité. Car c’est l’amour, et l’amour seul, qui peut exercer un tel pouvoir unificateur de tous nos désirs et de toute notre volonté autour d’un seul, unique et vrai bien. C’est l’amour, et l’amour seul, qui peut faire converger tout l’homme vers son vrai bien, et tous les hommes vers le vrai bien commun.
Une paix qui n’est pas ainsi fondée sur l’amour véritable d’un bien véritable n’est plus la paix véritable. Elle n’est qu’une paix apparente. Celle que le monde nous donne. Demandons à l’Esprit-Saint de répandre en nous la charité qui unifie nos cœurs et fait de nous des artisans de paix. Amen.