Escape game d’Emmaüs

par 26 Avr 20202020, Homélies, Temps Pascal

Sans doute connaissez-vous le principe de l’escape game, jeu assez prisé depuis quelques années : les participants sont enfermés à l’intérieur d’une salle à thème et doivent tenter d’en sortir dans un temps imparti. Des énigmes, casse-têtes et autres épreuves leur permettent d’approcher progressivement de la libération.
 
D’une certaine manière, les pèlerins d’Emmaüs sont bien malgré eux entraînés aujourd’hui dans un escape game. Les deux disciples marchent sur la route entre Jérusalem et Emmaüs. Ils ne sont pas prisonniers d’un lieu mais d’eux-mêmes. Abattus et tristes, leur vie n’offre aucun horizon valable. Ils fuient mais ne savent pas où. La vie éternelle leur était promise, c’est une impasse qui les a cueillis.
 
Le premier est nommé, c’est Cléophas. Le second ne l’est pas. Il est en attente. C’est vous, ou moi, si nous acceptons l’invitation du Christ, nous pouvons devenir le compagnon de route de Cléophas et du mystérieux inconnu qui les rejoint, entrer dans cet escape game, ce jeu d’évasion d’un genre nouveau.
 
Avant d’accepter l’invitation, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un jeu de rôle banal. Il ne s’agit d’ailleurs pas à proprement parler d’un jeu. D’une aventure, oui, mais pas d’un jeu. Dans un jeu, on n’engage pas toute sa personne, on peut dire stop à tout moment.
Dans l’aventure qui s’ouvre, il est question de vie et de mort, de marche, de fatigue, de cécité et d’ouverture des yeux, de cœur, de foi, d’intelligence, de témoignage, de peur et d’audace, mais au bout du compte de Résurrection et de Royaume. Dans cette course, toutes les dimensions de la personne sont impliquées, intelligence, volonté, sens.
Les disciples d’Emmaüs n’imaginaient pas en accueillant cet inconnu sur leur chemin qu’il bouleverserait leur vie. Que ses paroles, ses questions, sa présence, ses gestes les ferait passer de l’obscurité à la lumière, de l’enfermement à la liberté, de l’angoisse à la joie, de la peur à l’audace.
 
Dans un escape game, le joueur évolue dans un environnement fictif, créé de toute pièce. Rien de tel dans l’aventure proposée par Jésus. Il veut que ses disciples agissent là où ils ont été établis, qu’ils ne choisissent pas leurs chemins par faiblesse. Ce n’est pas à Emmaüs que le Seigneur voulait voir ses disciples, mais à Jérusalem, la ville tueuse de prophètes.
Lorsque Jésus leur demande « De quoi discutez-vous en marchant ? », il ne cherche pas à divertir les disciples, à leur faire oublier le dramatique épisode de Jérusalem. Il les invite simplement à lui ouvrir leur cœur pour qu’il vienne donner du sens à tous les évènements qu’ils ont vécu, pour que sa présence vienne transfigurer leur vie qui était dans une impasse. Jésus renvoie les pèlerins à Jérusalem parce que leur histoire n’y est pas finie, n’est pas pleinement accomplie.
Lorsque nous accueillons le Christ sur notre route, dans nos obscurités, notre dialogue avec lui dans la prière n’est pas une fuite du réel, n’est pas un refuge hors du monde. Notre conversation est le lieu où l’on demande au Seigneur ressuscité de venir éclairer notre histoire pour lui donner le sens que nous ne voyons plus, de venir emplir nos joies, nos doutes, nos tristesses, nos échecs, de sa présence pour que toute notre vie prenne une direction différente, il est la clé qui vient ouvrir chacune des portes cadenassées dans nos vies.
Dans un escape game l’évasion est rendue possible en fonction du système établi de règles du jeu. Le joueur, s’il veut triompher, doit donc avant toute chose connaître et comprendre les règles du jeu.
 
Dans l’aventure chrétienne il y a quelque chose de semblable, Jésus avertit les disciples : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! »
Dans l’aventure proposée par le Christ, la règle à connaître, à comprendre, et à suivre, c’est la Parole, révélée notamment dans les Saintes Écritures. Elles donnent accès au projet de Dieu, elles donnent les moyens pour le réaliser.
 
Le chrétien qui se lance dans l’aventure proposée par Dieu ne peut se passer du soutien de l’Écriture, agissante de la présence même du Christ.
Le Christ a expliqué aux disciples ce qui le concernait dans les Écritures et il a confié à son Église la charge de continuer à enseigner, à guider, tous les hommes de bonne volonté qui cherchent à vivre eux aussi l’aventure de la foi. Mais pour aller où ?
Quel est le terme de la course pour les pèlerins d’Emmaüs, pour nous ? Dans le jeu d’évasion, c’est l’ouverture d’une porte verrouillée qui donne sens à toutes les stratégies déployées. Dans l’aventure que nous vivons, c’est également un passage qui va motiver toute l’existence.
« Reste avec nous Seigneur » Par ces paroles, et sans avoir encore reconnu Jésus à la fraction du pain, les disciples comprennent ce qui donne du sens à leur vie : La présence du ressuscité, leur union à lui. Vivre avec le ressuscité, tel est le but de notre aventure.Sans ce but, la vie est vide, la vie est triste.
 
L’aventure qui nous est proposée aujourd’hui est celle reçue par les disciples d’Emmaüs, vivre avec le Ressuscité, et aller réjouir nos contemporains par l’annonce de la bonne nouvelle : « Le Seigneur est réellement ressuscité, Alléluia ! »