Frères et sœurs,
Il était une fois, toutes les vertus, passions et sentiments humains se réunissaient pour fêter ensemble leur existence. Mais l’atmosphère était un peu tendue car, vous imaginer bien, mettre ensemble l’amour avec la haine, la joie avec la tristesse, la sérénité avec la colère, l’activisme avec la paresse, ce mélange demande un certain effort pour qu’une certaine gaité s’invite. Dans cette situation difficile, la folie eut une idée. Elle proposa de jouer ensemble à cache-cache. L’orgueil n’avait pas trop envie car ce n’était pas lui qui avait eu l’idée. La vérité se disait, à quoi cela servirait-il, car de toute façon à la fin on me trouvera toujours. Mais l’enthousiasme et euphorie ne pouvaient pas se tenir tranquilles car la joie se joignait à eux. Quand enfin même le doute a été convaincu que jouer était mieux que rien faire et s’ennuyer, tout le monde s’est caché en espérant que la folie ne les trouvera pas. Tout le monde s’est caché à l’endroit qui lui ressemblait : la peur dans une cave sombre, la foi dans le ciel, la beauté dans un lac clair et limpide, la joie sur les ailes d’un papillon et la liberté sur les éclairs du soleil. L’amour avait plus de mal à trouver sa cachette mais il la trouva finalement dans les roses d’un rosier. La folie commençait alors à chercher tout le monde et trouva aussitôt tout le monde, sauf l’amour. Mais quand elle l’eut trouvé, l’amour est devenu aveugle, car il s’est percé les yeux avec les épines du rosier. De folie, la folie prit l’amour dans ses bras et lui promit depuis ce jour-là, de ne plus jamais le quitter et c’est pour cela que le véritable amour ne se trouve jamais sans la folie, car le véritable amour ne compte ou ne calcule pas, il se donne sans réserve.
Voilà ce que Jésus nous demande aujourd’hui dans l’Evangile : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). La commission liturgique malheureusement adoucit ce passage dur à entendre, que la haine de ces proches serait la condition de suivre le Christ. Entendre à l’époque de Jésus, où la crucifixion était encore à la mode, que la condition de suivre Jésus est de porter sa croix, a dû ressembler également à une folie. Jésus ne veut pas nous dire qu’il faudrait haïr ses proches, cela serait en contradiction contre tous l’Evangile, mais il veut souligner, que le suivre, ressemble à une folie absolue que le monde ne comprendra jamais et qu’il faudrait épouser cette folie pour vraiment pouvoir le suivre. Toutes les magnifiques et belles sirènes de la douceur du monde vont essayer de nous convaincre de faire autrement, de ne pas suivre le Christ ou au moins, de le faire avec un calcul qui se réserve toujours une petite porte de sortie, si jamais … Suivre Jésus, cela ne fonctionne pas comme on calcule la construction d’une maison ou la préparation d’une guerre. Suivre Jésus, cela se fait dans la folie et l’aveuglement de l’amour qui finalement et en fin de compte est sagesse. C’est en ce sens qu’Erasme s’exclame que « Plus l’amour est parfait, plus la folie est grande et le bonheur sensible » ou encore Antoine de Rivarol « L’amour n’a peut-être de raisonnable que sa folie » Et même Nietzsche ne peut pas s’empêcher de dire : « Il y a toujours un peu de folie dans l’amour et il y a toujours un peu de raison dans la folie ».
Frères et sœurs, suivre le Christ est une folie d’amour. Mais comme le dit Jim Fergus, « La folie est un don de Dieu », car comme le dit à son tour Marc Gendron : « La sagesse et la folie dorment dans le même berceau ». Parfois dans notre monde, nous avons du mal à trouver cette union entre sagesse et folie. Le livre de la sagesse comprend bien notre difficulté : « Quel homme en effet peut connaître le dessein de Dieu » (Sg 9, 13) ? Mais Jésus ne nous laisse pas seul dans notre recherche. C’est lui qui nous envoie sans esprit que nous voulons accueillir sans calcul et surtout avec une folie d’amour ou un amour de folie pour Celui qui est mort pour nous sur la croix. Jésus a réalisé cette folie d’amour pour nous sur la croix. C’est à nous maintenant de la réaliser dans notre vie. Cette divine folie n’est pas réservée aux religieux, aux novices et aux postulants, mais à nous tous, sans exception. C’est cette folie d’amour, c’est cette amour dans son union de sagesse et de folie qui seule peut nous donner un sens à notre vie et qui nous fait chanter avec Edith Piaf : « Rien, rien de rien, je ne regrette rien ! »