Aujourd’hui, l’Évangile nous parle d’une élection. En fait, il nous parle même de plusieurs élections : il y a celle faite par le peuple (« Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? ») et il y a celle faite par les apôtres (« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »), mais c’est une troisième élection qui est le cœur de ce récit : l’élection faite par Jésus.
Une élection, c’est un choix. L’Évangile nous parle du choix de Jésus. Jésus choisit S. Pierre pour être le chef des apôtres. Comme il y en a sans doute parmi nous qui sont un peu ambitieux (et qui aimeraient bien être ainsi choisis par Jésus) et d’autres qui sont curieux, nous allons essayer de comprendre selon quels critères Jésus a fait son choix.

À première vue, c’est la réponse de S. Pierre qui est la cause du choix de Jésus. Comme dans un concours : c’est celui qui donne la meilleure réponse et qui le fait le plus vite qui reçoit le poste convoité. Un peu comme dans notre vie, quoi. Mais justement, les choix de Dieu ne suivent pas la logique de notre vie. Ce n’est pas être dans l’élite qui fait l’élu. Et si on regarde le texte en détail – vous pourrez le faire en rentrant chez vous – non seulement Jésus n’annonce pas que c’est un concours, mais surtout, la réponse de S. Pierre n’est pas la cause du choix. C’est même le contraire : la réponse de S. Pierre est la conséquence du choix de Dieu.
C’est ce que Jésus lui dit : cette réponse ne vient pas de S. Pierre lui-même, mais elle est inspirée par Dieu. Ça correspond à ce que S. Paul dit aussi : « Nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », si ce n’est avec l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3). C’est parce que le Père a choisi S. Pierre qu’il lui a donné cette révélation. Dieu a préparé Simon par sa grâce en vue de la charge qu’il veut lui confier. Cette grâce vient comme enrichir Simon, elle vient le transformer de l’intérieur, le renouveler. C’est le sens de ce nouveau nom qu’il reçoit. Ce nouveau nom montre que cette grâce fait de lui comme un homme nouveau, qu’il commence comme une nouvelle vie. Ce nouveau nom correspond à cette grâce spéciale qu’il reçoit de Dieu.
C’est parce qu’il reçoit cette grâce qu’il peut recevoir une charge aussi importante et qui dépasse de beaucoup les possibilités de sa faiblesse. La charge de chef des apôtres n’est pas fondée sur les capacités de S. Pierre mais sur la puissance de Dieu. D’ailleurs, c’est le Christ qui est la seule pierre angulaire sur laquelle est fondée l’Église. Simon ne peut être Pierre que par cette grâce qui lui fait ressembler au Christ.

Mais alors, si S. Pierre n’a pas été choisi en fonction de ses mérites, si la cause du choix est, en définitive, la volonté de Dieu, est-ce que c’est injuste ? Les autres apôtres peuvent-ils en être jaloux ou le reprocher à Dieu ?
Non, bien sûr. Dieu est juste en toutes ses œuvres. Mais ses œuvres sont aussi variées. Il y a différentes places dans le groupe des apôtres, comme il y a différentes places, différents rôles dans l’Église de Dieu. Chercher à savoir quelle est la place la plus importante est une perte de temps. C’est comme chercher à savoir si on préfère son père ou sa mère. (Comme dirait la mienne : « Comparaison : poison ! »)
Les places d’honneur mesurées d’une façon humaine ne sont pas les critères qui intéressent Dieu. Ste Marie-Madeleine l’apôtre des apôtres est-elle au-dessus de S. Pierre ? S. Jean, le disciple Bien-Aimé, est-il plus important que S. Pierre le chef des apôtres ? Ce sont là des questions stériles. Jésus lui-même a déjà répondu à ces questions : « Si je veux donner telle grâce à telle personne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » (cf. Jn 21, 22).

Et c’est bien là la vraie question qui nous est posée : Jésus nous renvoie à notre grâce personnelle. Car Dieu nous adresse à chacun une grâce particulière. Il nous donne un nom et nous dit :
« Tu es Claire et ta lumière brillera sur ceux qui sont dans les ténèbres.
ou
Tu es Fleur et ton parfum apportera la joie au monde. »
Mais ce n’est pas tant du côté de notre prénom que nous avons à chercher cette grâce. (Ça pourrait être amusant pour certains prénoms :
« Tu es Louis et ton oreille attentive recueillera les confidences
ou bien
Tu es Paul et sur cette épaule tes frères pourront s’appuyer… »
Bon, on voit bien qu’on atteint vite les limites de l’exercice.)
Comme Simon devenu Pierre, Dieu nous donne à chacun un nom nouveau qui correspond à notre façon particulière de ressembler à Dieu. Un peu comme le totem qui était donné aux scouts.
À nous de le découvrir, de l’entendre, puis de répondre à ce nom nouveau, d’y correspondre.

Et toi alors, comment t’appelles-tu ? Quel est ce nom nouveau que Dieu te donne ?