L’heure est venue

par 24 Déc 20132013, Homélies, Noël

Ecoutez, l’heure est venue, réveillez-vous, convertissez-vous, réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse. Jérusalem, pousse des cris de joie, quitte ta robe de tristesse et de misère. La liste est longue de ces verbes et expressions qui, tout au long de l’Avent, ont sollicité notre attention et notre vigilance pour nous préparer à vivre un événement qui nous concerne au plus haut point, à vivre une rencontre merveilleuse. Ces appels vibrants, impératifs, viennent de loin, ils traversent l’Écriture de part en part comme une flèche qui indique la route à suivre. Au cours d’une longue histoire, des prophètes, des témoins qui nous ont précédés ont donné de la voix pour nous inviter, avec insistance et conviction, à déjà nos réjouir, comme s’ils avaient eux-mêmes déjà goûté au bonheur. 
Ils ont proclamé haut et fort une Bonne Nouvelle qui résonne jusqu’à nous et nous l’entendons une fois encore mais toujours nouvelle : je vous annonce une grande joie pour tout le monde : aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David, c’est lui le Messie, le Seigneur. Oui, en cette nuit de Noël nous célébrons la venue du Messie notre Sauveur, réjouissons-nous et soyons dans l’allégresse. 
Car c’est Dieu qui vient visiter son peuple. Le Dieu très Haut et tout Puissant, créateur du ciel et de la terre, vient planter sa tente parmi nous, il rejoint notre humanité, notre histoire, il prend notre chair dans le monde réel qui est le nôtre, en un lieu et en un temps donnés, sous les traits étonnants d’un petit enfant, et notre foi est liée à cette réalité concrète de l’incarnation. En cet enfant Jésus Dieu nous fait signe, il nous rejoint au plus profond de nos vies parce qu’il nous aime, il a confiance en nous. En son Fils bien-aimé Dieu vient nous libérer de l’emprise du péché, nous sauver, nous qui ne pouvons pas nous sauver par nous-mêmes. 
Cet événement que le Seigneur nous fait connaître, cette annonce qui résonne de cieux nouveaux en terres nouvelles bouscule les bergers et nous étonne encore. Comme eux allons jusqu’à Bethléem pour voir ; rendons-nous à la crèche, l’enfant est là, signe étonnant, nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Ouvrons les yeux de la foi pour reconnaître en lui notre Sauveur et Seigneur. Ouvrons aussi des yeux d’enfants et sachons nous émerveiller. 
La tradition a mis là comme entourant l’enfant Jésus deux animaux qui nous ont peut-être précédés car, selon l’antique prophétie d’Isaïe, le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître, mais le peuple ne connaît pas. Il y a Joseph l’époux de Marie, son profond silence est éloquent. Il y a Marie qui, comme l’écrit le Pape François dans sa dernière exhortation apostolique, ‘sait transformer une grotte pour des animaux en maison de Jésus’. La crèche, la mangeoire, la grotte, telle est la demeure de Dieu venu parmi les hommes, parce qu’il n’y a pas de place dans la salle commune. Dieu serait-il encombrant quand il vient nous visiter ? Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel des nids, le Fis de l’Homme n’a pas où reposer la tête. Aurions-nous peur d’être trop dérangés en accueillant l’enfant, le Fils de l’Homme ?
Et si précisément Dieu venait nous encombrer, nous déranger, s’il venait nous empêcher de tourner en rond, de nous replier sur nous-mêmes. S’il venait ouvrir notre cœur pour que nous puissions l’accueillir, lui faire de la place chez nous. Le petit enfant prend peu de place dans la mangeoire, il peut en prendre beaucoup dans notre vie ; Messie nourricier offert en nourriture, il peut emplir tout notre être, nous entraîner dans un questionnement sur le sens de la vie, interroger notre manière de vivre et d’aimer, nous remettre en cause, et finalement nous faire partir joyeux sur un autre chemin. 
Devant l’enfant de la crèche nous cherchons la juste attitude pour célébrer en vérité le mystère de Noël, tiraillés que nous sommes entre les festivités ambiantes qui poussent à la consommation jusqu’à nous étourdir et l’appel au dépouillement, à la simplicité, qui poussent à l’humilité jusqu’à nous convertir. Pour entrer dans la joie de Noël il faut nous laisser toucher, recevoir ce qui nous est offert aujourd’hui comme un cadeau de Dieu. Il faut laisser éclater avec confiance notre joie, acclamer le resplendissement de la lumière et du soleil levant alors que la nuit est encore bien noire et que nos existences sont si souvent éprouvées, et parfois pour un certain nombre d’entre nous bien tristes et ténébreuses.
La venue de notre Sauveur et libérateur remplit notre attente d’une grande espérance, une espérance qui n’est pas un vain mot, ni une illusion ni la projection de nos propres désirs. Nous ne sommes pas seuls, Dieu nous a rejoints dans notre histoire. Quand les guirlandes seront rangées, la Parole de vie, le Verbe fait chair demeurera toujours parmi nous, fort, fragile et humble. Il demeurera même caché dans la miséricorde, dans le silence et même dans la mort sur la croix.
Il y a un mystère qui nous dépasse. Marie le portait dans son cœur. Elle est là devant son enfant, silencieuse, peut-être déjà saisie par ce que fait l’amour invincible du Seigneur. Approchons-nous de la crèche, adorons l’enfant de Bethléem et réjouissons-nous sans avoir la prétention de tout comprendre ; de là jaillit la lumière, et retentit une Bonne Nouvelle. C’est déconcertant mais cela sonne juste, c’est pourquoi nous croyons. Amen.