Discerner l’appel

La vocation religieuse est un don de Dieu, elle est un appel auquel il faut répondre. Cet appel n’est pas toujours limpide. Comme dit le psaume : « Non point récit, non point langage, nulle voix qu’on puisse entendre » (Ps 18, 4). Une conjonction de plusieurs données qui se mêlent et interfèrent : 
-le désir de consacrer sa vie à Dieu 
-une certaine passion pour l’annonce de l’Évangile 
-la rencontre d’un couvent de frères ou d’un monastère de moniales, celle d’un frère ou d’une sœur, la lecture d’un livre…

Tous ces éléments sont à vérifier et à purifier avant de se décider et de faire une demande significative. Cela vaut pour toute vocation. De même qu’il est plus prudent d’être conseillé, voire accompagné par quelqu’un en qui on ait confiance et qui connaisse la vie religieuse.

II n’y a pas une seule bonne démarche, mais une multitude de voies d’accès. Le Seigneur sait mettre sur la route de celui qu’il appelle des signes assez parlants pour qu’il comprenne. Il lui donne les grâces nécessaires pour qu’il décide. Il respecte sa liberté et ne contraint personne. Cet appel peut s’entendre à tout âge. Déjà du temps de saint Dominique, d’après le récit de Jourdain de Saxe, des hommes très jeunes, comme le frère Henri (Libellus 67) et des hommes d’âge mûr, comme maître Réginald (Libellus 56), entraient dans l’ordre.

Naissance d’un sentiment amoureux

II en est de la vocation religieuse, comme du sentiment amoureux. Il naît d’une rencontre qui n’est pas comme les autres. Elle bouleverse, au point de modifier la façon de voir l’avenir. Cela ne s’expliquera jamais. II faut prendre acte d’une réalité qui dépasse toutes les logiques humaines.

Il ne faut donc pas étouffer le désir de l’enfant qui parle de se donner au Seigneur et de devenir prêtre. Qui sait si le Seigneur ne lui a pas parlé, comme le prêtre Élie le devine pour l’enfant Samuel, futur grand prophète. Le jeune qui pense entendre un tel appel doit prêter l’oreille et adopter la même prudente prière : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 10).

Contrairement à ce que le monde croit, on peut pousser assez loin le parallèle entre la démarche amoureuse et celle de la vocation. Dans les deux situations, il s’agit d’une rencontre. Ici la rencontre, guidée par le Seigneur, d’un homme et d’une femme qui ont vocation à devenir époux et épouse ; là, la rencontre d’un homme ou d’une femme avec la mystérieuse présence de Dieu. Cette rencontre gardera toujours une nuance de mystère, que les poètes ne se lassent pas de chanter : pourquoi lui ? pourquoi moi ? Dans le nombre infini des possibles, comment se fait-il que nous nous soyons rencontrés, disent les fiancés tout émerveillés. Comment se fait-il que j’aie été appelé, se demande le jeune religieux non moins émerveillé ? Cette rencontre, dans l’un et l’autre cas, amène la certitude encore confuse, mais déjà forte, d’avoir trouvé le sens de sa vie. On sait qu’il faudra prendre son temps, bien réfléchir avant de se décider, ausculter son cœur et laisser parler sa raison. Mais intuitivement, une certitude est en train de naître. Tant que le choix n’est pas fait, tant qu’il n’est pas sanctionné par le rite qui lui donne sa réalité sacrée, demeure la possibilité (ou le risque) d’une rupture. Cela aussi, on le sait. La sagesse et l’expérience recommandent de vivre à plein ce temps des fiançailles où se mêlent un immense bonheur et une inquiétude bien compréhensible. C’est le passage obligé avant l’engagement irréversible.

Les signes

Et dans les deux situations, ce qui domine – le croira-t-on ? -, c’est un sentiment de plénitude et de joie profonde, qui est d’ailleurs le signe le plus favorable. Car on n’entre pas en religion par dépit, par déception ou par pis-aller, mais par une démarche positive qui s’accompagne d’un sentiment intérieur d’une force incomparable. Souvent l’entourage ne le comprend pas. Il s’étonne qu’on puisse être amoureux d’une absence, qu’on puisse aimer à ce point quelqu’un qu’on ne voit pas. Il n’arrive pas à imaginer l’immense joie qui envahit le cœur de celui qui est pris, ou plutôt épris. L’entourage, même bienveillant, comprend qu’on puisse aimer une personne physique, mais rechigne à penser qu’on puisse ressentir un amour semblable sans vis-à-vis saisissable. Il a du mal à admettre que le ciel puisse toucher la terre, que Dieu puisse intervenir personnellement dans la vie d’un individu particulier et l’amener à renoncer à tant de choses excellentes, comme de fonder une famille. Cela arrive pourtant.

Les vies de saints relatent à foison cette expérience. Mais ce qu’on admet pour les autres et dans le passé, on l’admet plus difficilement pour les siens et au présent. Aussi faut-il le dire simplement mais fermement : le Seigneur ne cesse d’appeler à son service des jeunes gens, garçons et filles, comme aux temps qui nous paraissent héroïques. Il touche le cœur de qui il veut. Il lui parle et l’incite à répondre. D’abord ce message est confus. On pressent l’appel, mais on ne sait pas d’où il vient (comme le jeune Samuel qui est le modèle en ce domaine) et on ne sait pas où aller. C’est le temps de l’indétermination, l’adolescence de la vocation. Ce temps où tout est possible. Sera-t-on contemplatif dans un monastère, ou apostolique et missionnaire ? Est-on appelé à soigner les malades ou à enseigner aux enfants ? Devenir adulte, c’est choisir, en sachant qu’on ne pourra pas tout faire. On n’est d’ailleurs pas fait pour tout faire. L’étape suivante sera celle du choix. Elle est plus ou moins longue. Mais dans tous les cas, elle s’achève avec cette certitude intérieure qui vient tout soudain : on est arrivé « chez soi ». De même que l’amoureux dira : « C’est elle ! », celui qui a une vocation religieuse dira : « C’est ici. Je suis chez moi. » Il faut encore et toujours vérifier, mais ce n’est plus l’indétermination des débuts.

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