Je suis glorifié en eux

par 24 Mai 20202020, Homélies, Temps Pascal

Frères et sœurs,

les contes de fées ne seraient pas des contes de fées s’il n’y avait pas un rêve ou une utopie qui à la fin de l’histoire se réalise comme si c’était le plus naturel du monde. La carrière de ceux qui finissent comme prince, princesse, reine et roi commence, en règle générale, tout à fait au bas de l’échelle sociale comme par exemple pour Cendrillon, le Roi grenouille ou encore le dernier fils du meunier qui reçoit uniquement comme héritage un chat, un chat botté et surtout manipulateur. Le chat sait très bien, ce qui compte vraiment, c’est l’image préalable que l’on donne à son entourage pour gagner la bienveillance de ceux qui peuvent lui être utile. Et si l’image actuelle ne correspond pas à ce qui est souhaitable, il faut tout simplement la créer. Voilà ce que fait le chat botté en passant son maître auprès du roi comme le marquis de Carabas de qui l’on a simplement volé ses habits. Et à la fin, le soi-disant marquis devient même le beau-fils de ce roi qui ne peut pas s’imaginer que son beau-fils pourrait être autre chose que ce qu’il prétend être.

En effet, le chat botté n’a rien fait d’autre qu’appliquer ce que l’on appelle en psychologie la prophétie autoréalisatrice, mise en valeur par Robert Rosenthal et Léonore Jacobson en 1965. Les deux chercheurs ont mis en place l’expérience suivante : ils prévenaient les instituteurs d’une école primaire que grâce à un test de QI, 20 % des élèves avaient manifesté un énorme potentiel intellectuel qu’ils ne devaient pas laisser de côté. En fait, ces élèves étaient choisis tout à fait au hasard, mais les instituteurs les traitaient comme des quasi-surdoués avec plus de patience et d’attention, avec en fin de compte un résultat positif surprenant même parmi les élèves auparavant les plus faibles. L’attente des instituteurs se réalisait alors même si elle n’était pas fondée sur les faits réels. Mais les scientifiques ont prouvé également que même les attentes que l’homme a vis-à-vis de soi-même sont décisives. Une étude a montré que les hommes qui sont persuadés de ne pas subir une crise cardiaque en étaient trois fois moins souvent touchés que ceux qui pensaient le contraire, et cela indépendamment des risques génétiques élevés ou pas des probants.

Ce que la science a redécouvert et prouvé, la théologie ne l’a jamais contesté. Jésus nous révèle aujourd’hui dans l’Évangile l’attente qu’il a envers nous : « Je suis glorifié en eux ». Qui sommes-nous pour que le Christ puisse nous dire qu’il est réellement glorifié en nous ? Nous qui ne sommes que poussière et misère et rien, le Christ est glorifié en nous ! Nous sommes fils et fille de Dieu, enfant de Dieu, un sacerdoce royal, nous sommes beaucoup plus qu’une simple cendrillon pouvait s’imaginer dans ces rêves les plus farfelus et utopiques ! Jésus nous le redit aujourd’hui avec véhémence et insistance : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime (Is 43, 4), je suis même mort pour toi sur la croix, alors que veux-tu ? Qu’attends-tu encore d’autre ? Je suis glorifié en toi, parce que tu es là et je t’aime. Prends courage et mets ta confiance en moi et non en toi, et tu seras ce que tu devras être ». Cette assurance vis-à-vis de chacun de nous devrait nous donner un élan et un enthousiasme sans limite. Parce que le Christ met, en ce sens, sa confiance en moi, je peux avec lui traverser tous les obstacles visibles et invisibles. Mon identité vient du Christ, voilà le fondement de mon être et de mon agir. Le Christ est glorifié en moi, et moi je veux à tout prix adhérer à cette gloire de mon Seigneur et je veux, en pleine union avec lui, amener tout le monde dans cette gloire. Le mot grec qui, dans notre versé est traduit correctement par glorifier, a dans le grec antique encore d’autres significations. Il peut se traduire aussi par : figurer, supposer. Avec cette traduction, Jésus nous dirait alors : « Je suis figuré en vous, je suis supposé en vous, par ma croix, ma résurrection et ma paix ». D’un côté, cela confirme notre interprétation initiale, mais ouvre le regard vers la demande de Jésus d’aller dans le monde entier et prêcher l’Évangile. « Je suis figuré en eux », nous dit Jésus, « Je suis figuré en eux pour que je sois, par eux, manifesté au monde ». La prédication de l’Évangile devient ainsi tout à fait simple. Il suffirait tout simplement de réaliser l’union et la glorification du Christ en nous, afin que tout le monde puisse supposer le Christ en notre âme, afin que tout le monde puisse découvrir le Christ figuré en notre cœur. Et même les paroles de notre prédication deviendraient très simples, comme l’était déjà la prédication de saint Pierre : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne (Ac 3, 6). Le Christ se glorifiera aussi en toi, si tu le veux et tu trouveras enfin la paix que le monde ne peut pas te donner ».