Jésus, guide de montagne

par 21 Juin 20202020, Homélies, Temps Ordinaire

fr_marie-philippe

De quoi avez-peur ? Qui craignez-vous ? Sans cesse, Dieu questionne l’humanité. Adam lui avait répondu : j’ai mangé du fruit et j’ai pris peur car je me suis vu nu. Oui, la peur est entrée dans le monde, même chez les Israélites face aux Égyptiens, chez les Apôtres dans le Cénacle. Un tourbillon de craintes justifiées ou illusoires s’abat sans relâche et les dernières semaines ne nous manifesterons pas le contraire. De quoi avez-vous peur actuellement ? D’une homélie un peu longue ? Vous avez peut-être raison.

Aussi, pour vous détendre, je vous propose aujourd’hui une ballade en montagne. En deux étapes. Ce sera unique ! Car il s’agira d’abord de descendre puis de monter.

Commençons par la descente. L’air est frais, le vent doux. Extérieurement, tout s’annonce parfait. Cependant, une faiblesse intérieure nous inquiète : le vertige. Si rien ne sert d’appui, la chute ou le surplace devient inévitable. Et que faire si l’appui recherché n’est pas assuré ni puissant ? Alors le Christ se retourne vers nous et dit : « sois sans crainte. Ma puissance a détruit la mort, repoussé le démon et peut détruire ton péché. Sur mes traces, avec ta croix, ton pas sera assuré. Car j’ai voulu assumer toutes tes faiblesses pour te montrer qu’à chaque instant, tu peux reposer sur moi. Jamais je n’irai plus vite que toi, ne te ferai porter un poids que tu pourras porter avec moi. Oui¸ tu as du prix, tu vaux mieux qu’une multitude de passereaux car j’ai donné ma vie pour toi. » Quelle puissance renferme l’amour de Dieu pour nous ! Dépassant infiniment la profondeur du péché originel ! Bien sûr, nos premiers parents nous ont transmis quelque chose, non de plus mais en moins, une nature sans son centre de gravité qu’était Dieu. Mais ce déséquilibre est sans comparaison à la grâce venue en Jésus. Avec une assurance certaine, nous faisant descendre peu à peu. Comme Jérémie, abandonné par tous, persécuté, qui répète : le Seigneur est avec moi. Comme Paul, emprisonné : Si le Seigneur est pour nous, qui sera contre nous ? Ils nous exhortent à ne plus craindre progressivement les souffrances présentes et à venir. Parce nous ne sommes pas seuls. Parce Jésus, Dieu Sauveur, dont nous invoquons le nom, vit en vous.

Mais si Dieu se révèle comme appui durant cette descente, de cette marche, qu’en est-il à la fin ? Rappelons-nous : Craignez celui qui peut perdre dans la géhenne l’âme et le corps ? Celui qui nous reniera devant son Père si nous le renions devant les hommes ? Avons-nous finalement peur de la justice que nous professons pourtant chaque dimanche ? Car Dieu jugera les vivants et les morts. Celui qui a toute la création en sa main, celui qui sonde les cœurs jugera avec justice : rien ne sera caché ni voilé. Mais Dieu juge avec tout son être, c’est-à-dire avec tout son amour. Il tient compte parfaitement notre fragilité. A tel point que, comme l’écrit saint Paul ou Thérèse, l’âme livrée à sa Miséricorde en cette vie se moque du jugement. Car ce dernier sera le don de la gloire même de Dieu. Ne faisons pas de notre Père aimant un Dieu injuste ou vengeur ! Regardons plutôt ses larmes, les larmes de Jésus face à Jérusalem ou aux pêcheurs : J’ai tant voulu te rassembler, d’unir à moi mais tu n’as pas voulu. Oui, celui qui n’aura pas voulu de Lui s’est déjà jugé : refusant Dieu sur cette terre, il le refusera pour l’éternité. Si le Seigneur a ouvert les portes de sa grâce et du Ciel, c’est à nous d’y pénétrer. Oui, comme nous y invitait saint Jean Paul II, ouvrons, ouvrons grandes les portes de notre cœur. N’ayez pas peur de la justice de Dieu mais bien plutôt de nos injustices.

Car, maintenant que nous avons bien descendu, montons. Oh, de façon efficace, fixons le sommet visé, sans se tromper malgré le peu de recul. Et il ne faut pas viser moins haut que Dieu. Or, cette fois, le bon pasteur est là, derrière nous, nous poussant. Il connaît la route, il offre la grâce pour avancer tout en nous laissant marcher à notre rythme. Et là, il se peut que nous ayons peur, une juste et bonne crainte. Celle de se tromper de route et de pas profiter de la grâce qui passe. Au fond, crainte d’être privé de Dieu. Dis moi ce que tu crains, je te dirai ce que tu aimes ! En effet, elle signale ce que nous aimons. Est-ce que je crains de manquer la messe, de prier ? Parfois, nous manquons de craindre, craindre de manquer la messe, la prière, d’aimer nos proches, de servir les plus humbles ; nous manquons de cette crainte vertueuse qui nous fait marcher, nous fait aimer. Car elle pousse à une conversion plus sincère, plus complète et indique que, oui, l’esprit que nous avons reçu n’est pas un esprit d’esclave mais un esprit de fils et fille de Dieu. Monter en rejetant, non seulement ce qui nous éloigne de Dieu, mais la tiédeur qui amoindrit notre intimité avec lui. Ne vivons pas comme des orphelins mais bien comme enfants unis à leur Père, à notre Père.

Mes frères, vous comme moi, nous sommes appelés à une descente et une ascension. Il faut que la crainte des peurs de ce monde diminue, que la crainte amoureuse de Dieu se fortifie. N’ayons pas peur de recevoir sa miséricorde ici-bas et sa justice à notre mort. Car ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les choses présentes ni les choses à venir, rien ne nous pourra se séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. Je vous souhaite une bonne route.