La charrue qui baptise

par 13 Déc 20202020, Avent, Homélies

La charrue est un instrument aratoire qui fend et retourne la terre par bandes successives. « Aratoire », vient du bas latin arare, qui signifie « labourer ». La charrue se distingue de l’araire par le fait qu’elle est munie d’un versoir qui retourne la terre au lieu de simplement creuser un sillon… Voilà des informations vraies, précises, et parfaitement inutiles, sauf si nous nous risquons à une comparaison audacieuse. Et cette comparaison, là-voilà : saint Jean-Baptiste, ressemble à une charrue.

Une charrue, cela ne fait rien pousser. Cela ne féconde pas la terre, cela ne lui donne rien d’absolument neuf qu’elle n’avait pas auparavant, comme le fait la semence, ou la pluie qui vient du ciel. Mais pourtant, sans la charrue, les choses poussent beaucoup moins bien. La charrue vient au service de la semence. Saint Jean prépare la venue du Verbe, la parole de Dieu qui a pris chair en Marie, et qui grandit en ces jours dans son corps, pour être donné au Monde le soir de Noël. C’est la semence de Dieu dans son peuple, semence qui féconde son Église et lui fait porter un fruit de vie.

Les grands prêtres et les scribes qui viennent questionner Jean Baptiste sont un peu comme des gamins qui ayant vu un paysan travailler toute la journée avec sa charrue, vont l’observer sous toutes les coutures, pour voir comment à partir de cet assemblage de morceaux de bois qui parcourt le champ, de nombreuses plantes se mettent à pousser. La charrue ne remplace pas non plus la pluie, qui permet à la semence de  germer, comme cette eau dont nous avons délicatement nourri nos grains de blés de la sainte Barbe, qui germent en silence, sans besoin de charrue. Cette eau c’est la rosée de la grâce dont nous implorons la venue depuis le début de l’Avent en criant : Cieux, ouvrez-vous, déchirez-vous, répandez votre rosée, que le Juste descende comme la pluie, que le sol s’entrouvre pour donner son fruit. Que des profondeur de la terre, germe enfin le Sauveur. Avant la semence, avant la pluie, pour que la terre produise des épis plus solidement enracinés que nos petites pousses de la sainte Barbe. Il faut passer et repasser dans la terre, la charrue du baptiste, le soc de sa parole.

Quelle est donc cette terre ? Imaginons un champ après plusieurs jours d’été, ou le soleil impitoyable a tout brûlé, sans que ne tombe une goutte d’eau. Ce champ c’est notre cœur, qui désire le salut. Ce sol a soif. A force de désirer sans relâche la venue du Sauveur, à force de le supplier, nous avons soif de Lui , comme une terre desséchée. Et voilà qu’au milieu de l’Avent, le Seigneur envoie sa charrue. Il nous envoie le baptiste pour retourner la terre de ce champ qui désirait tant être labouré. Ce dimanche de Gaudete, dimanche de la joie, nous voyons à nouveau dans ce champ une terre fraîche, toute belle, heureuse d’avoir été retournée par la prédication du baptiste pour accueillir de tout son cœur la promesse qui se fait de plus en plus insistante. Le Seigneur est proche. Il vient, le Seigneur.

Cette terre qui retrouve sa fraîcheur pourrait bien se dessécher de nouveau. S. Paul nous donne aujourd’hui l’ordre d’entretenir cette joie d’avoir été retourné !

Soyez toujours dans la joie,
priez sans relâche,
rendez grâce en toute circonstance :
c’est la volonté de Dieu à votre égard
dans le Christ Jésus.
N’éteignez pas l’Esprit,

 

Le passage de la charrue ne doit pas rester sans effet ! L’Avent n’est pas seulement le temps où nous devons renforcer notre foi dans la nécessité de la Rédemption, comme cette terre qui se rend compte de sa soif. C’est aussi le temps où nous devons réformer notre vie. Comme cette terre toute retournée par le passage de la charrue.

N’éteignez pas l’Esprit, dit st Paul et il poursuit :
discernez la valeur de toute chose :
ce qui est bien, gardez-le ;
éloignez-vous de toute espèce de mal.

 

Pour comprendre cette conversion, la distinction subtile entre la charrue et l’araire, que nous avons vu au début, est alors très éclairante. N’est-ce pas ? Je fais un bref rappel car j’en vois qui font une drôle de tête. L’araire, du bas latin, arare, qui signifie… labourer, creuse le sol, mais ne le retourne pas. Elle creuse simplement un petit espace pour que la semence soit déposée.

Alors que la charrue qui baptise aujourd’hui dans le Jourdain fais beaucoup plus que cela. Elle retourne tout notre être, pour accueillir le Seigneur. Et ce retournement complet de notre cœur, cette conversion, est source de joie.

Je tressaille de joie dans le Seigneur,
mon âme exulte en mon Dieu.
Comme la terre fait éclore son germe,
et le jardin, germer ses semences,
le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange
devant toutes les nations.

 

La joie du 3e dimanche de l’Avent est une joie qui engage. C’est la joie de la conversion. Aujourd’hui notre terre est retournée, aujourd’hui la sécheresse est oubliée, et le Seigneur nous remplit de la joie de sa venue.

La joie du 3e dimanche de l’Avent est une joie qui dure, car de cette terre retournée, fécondée par Lui, le Seigneur fait germer la justice, et la louange pour toutes les nations..

Béni soit le Seigneur qui vient, pour visiter son peuple.