C’est pour cela que je suis sorti

par 7 Fév 20212021, Temps Ordinaire

fr_dominique-benoit

Peut-être que, comme moi, hier matin, vous avez eu un petit temps d’arrêt en regardant le ciel.

Une sorte de lumière jaune émanait d’un couvercle brumeux qui surplombait tout le ciel. En résultait une atmosphère bien étrange. « Est-ce la fin du monde ? » me suis-je demandé.

Non, ce n’était pas encore la fin des temps mais un phénomène météorologique connu : cela est dû au sable du Sahara qui est emporté par les vents et qui se disperse largement si bien que l’on pouvait observer le phénomène à Toulouse et jusqu’en Bourgogne.

Dans le psaume 144, nous exhortons le Seigneur à incliner les cieux et à descendre parmi nous, à faire fumer les montagnes, à faire éclater l’éclair et à secouer la terre. Nous attendons une manifestation de la toute-puissance de Dieu.

Mais sommes-nous prêts pour sa venue ? Pour quoi sommes-nous ici ? Penser la fin de notre vie terrestre nous invite à réfléchir à la finalité de notre vie.

« Allons ailleurs […] afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti ». Dans l’Évangile du jour, nous voyons Jésus obligé d’expliquer aux disciples le but de sa mission et pourquoi il a quitté la ville de Capharnaüm. Mais ce texte nous invite aussi, avec l’Évangile selon saint Luc, à comprendre que c’est pour annoncer l’Évangile qu’il est sorti non de la ville mais d’auprès du Père. Il y a urgence pour le Christ : le Temps du Salut, le Temps de Jésus est arrivé !

Et c’est la même frénésie chez saint Paul : « c’est une nécessité qui s’impose à moi, malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » Cet enthousiasme doit nous habiter encore aujourd’hui.

C’est le moment de l’homélie où vous vous dites qu’il y a déjà des professionnels de l’évangélisation et qu’il n’y a donc pas de souci à se faire sur ceux qui vont prendre la relève de saint Paul. « Bon dimanche mon frère et à dimanche prochain ! »

Mais c’est oublier trop rapidement que le baptême, que vous avez reçu, a fait de vous un peuple de prophète, c’est-à-dire, d’après le catéchisme de l’Église catholique, « un peuple ancré dans la foi, cette foi que vous approfondissez par votre intelligence et qui vous fait devenir témoin du Christ au milieu de ce monde ». L’évangélisation fait partie de votre mission de baptisé et n’est pas réservé aux personnes consacrées.

Mais j’entends déjà des bruissements parmi vous : nous n’avons pas le temps !

Et c’est Job qui joint sa voix à la vôtre : notre vie est une corvée, des journées entière de travail. Et même la nuit nous n’arrivons pas à nous reposer, nous cauchemardons au sujet de tout ce que nous avons encore à faire le lendemain. Vraiment, les jours s’enchaînent à une allure folle et la vie est déjà trop courte ! Nous verrons, peut-être, à la retraite !

Oui, le travail est une corvée et il est d’autant plus pénible après la faute originelle ! Mais n’oublions pas que le Christ est venu transfigurer notre vie ! Il nous appelle à venir travailler à la vigne de son Père, à jeter les filets encore et encore, à semer partout même si la terre est mauvaise, à veiller sur le troupeau nuit et jour, à faire fructifier les talents, à venir travailler même à la dernière heure, à collaborer à son œuvre. Ce travail humain, il est venu l’accomplir auprès de saint Joseph qui l’a aidé à façonner son humanité. C’est à la sueur de notre front que nous travaillons, c’est à la sueur ensanglantée de son front que le Christ nous a rachetés.

À son exemple, agissons puis mettons-nous à l’écart pour prier. Il ne s’agit pas de mener une double vie (le Seigneur déteste les cœurs partagés) mais offrons notre travail, offrons nos occupations, offrons toute notre vie en offrande au Seigneur notre Dieu. Nous ne pensons pas toujours à prier avant notre temps de travail, ni après, ni pour les gens qui travaillent avec nous, ni pour les gens qui recherchent du travail. C’est par la prière et dans la prière que nous pouvons annoncer l’Évangile dans le monde. Le travail, qui occupe une bonne partie de notre vie sur terre, est un de ces villages que nous devons aller visiter.

Comme le Christ, nous sommes « sortis » et Job ajouterait « nous sommes sortis nus du ventre de notre mère ». Mais, c’est revêtus de la lumière du Christ que nous sommes envoyés pour allumer le feu de sa présence.

Revenons à ce événement climatique d’hier et aux questions qui ont pu surgir. « Est-ce la fin du monde ?  Que faire ? Vers qui courir ? Qui prévenir ? Est-ce que les gens que j’aime seront sauvés ? » Toutes ces pensées nous prouvent qu’annoncer le Christ n’est pas une occupation orgueilleuse mais un signe éminent d’amour pour le monde. Nous désirons que tous les hommes soient sauvés.

Allons, ne perdons pas de temps, la charité nous presse, le Christ veut se donner à tous.