Fête-Dieu 2021

par 6 Juin 20212021, Fête-Dieu, Homélies

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Tel un filet écarlate qui court entre les lignes, le thème du Sang parcourt les pages de l’Écriture. Voici qu’au moment de conclure l’Alliance de Sinaï, Moïse partage le sang des sacrifices, en versant une moitié sur l’autel et en aspergeant le peuple avec une autre moitié. L’auteur de l’Épître aux Hébreux nous présente le Christ comme le grand prêtre qui pénètre dans le sanctuaire céleste en répandant non pas le sang des animaux, mais son propre sang. L’Évangile enfin nous rapporte ces paroles de Jésus : ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Quel est ce mystère du sang versé, du sang sauveur ?

La sang dans la Bible est la vie dont Dieu seul est le maître. Dans le jardin des origines, lieu d’innocence et d’intégrité, l’homme ne peut verser le sang d’aucun vivant. Dieu lui donne toute plante portant semence comme nourriture, mais l’intégrité de la nature humaine va de pair avec l’intégrité des tous les autres vivants. C’est le péché, la rupture radicale avec Dieu qui introduit non seulement la mort, mais une mort violente. L’homme n’est plus seulement cultivateur et gardien de la Création, il est aussi celui qui verse le sang. Il prend la vie pour vivre. Et pourtant Dieu lui interdit de boire le sang – il est à Dieu seul. Même dans les sacrifices sanglants la chair est partagée entre les convives, mais le sang revient au Seigneur seul.

Plus encore, le sang humain. Lorsque Caïn tue son frère, Abel, le sang de celui-ci crie vengeance vers le Seigneur. Le sang qui crie vers Dieu – toute vie supprimée, humiliée, anéantie ne disparaît pas, ne sombre pas dans le néant – elle est un cri vers ce Dieu qui en est la source, le gardien, le juge.

Les sacrifices sanglants que pratique la religion ancienne disent cela : Dieu donne la vie, toute vie lui est consacrée, à lui seule elle peut revenir. Et encore – ce retour de la vie, cette offrande du sang incarnent le pardon, la réconciliation, le rachat. Le sang des victimes dit le désir de l’homme d’être en paix avec Dieu, de revenir vers lui, d’être racheté : puisse ce sang qui coule devenir le lien de l’alliance qui nous lie à Dieu, qui nous scelle dans le destin commun. Quand Moïse partage le sang des victimes entre l’autel et le peuple qui en est aspergé, le symbolisme est clair: la même vie qui coule pour Dieu et pour le peuple, le lien de sang qui les unit, inséparablement. Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous.

Le sang des taureaux et des boucs peut-il donner Dieu ? Non, bien sûr, il n’est que le signe, et tout sacrifice de l’Ancienne Alliance est un appel à Dieu : viens vers nous, restaure le lien que nous avons rompu, donnes-nous de ta vie, à nous qui sommes voués à la mort. Rachète-nous !

Ce qui n’était qu’une ombre et une figure du monde à venir est accompli en Jésus. Il entre non pas dans un sanctuaire ici-bas, mais dans le ciel : l’Ascension que nous avons fêtée le dit. Il offre non pas le sang des brebis et des boucs, mais son propre sang. Quand la lance ouvre son Cœur sur la Croix d’où jaillissent l’eau et le Sang la terre tremble et le rideaux du sanctuaire se déchire : par son unique sacrifice il mène à sa perfection tous les sacrifices de l’Ancienne Alliance et son sang nous purifie de telle sorte que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant. Son sang qui coule ne crie plus vengeance, il crie miséricorde ! – Père, pardonne-leur ! Le sang qui crie miséricorde – voilà ce que nous adorons en Eucharistie.

Chaque fois que le calice est élevé, ce même cri de réconciliation retentit pour l’univers entier. Chaque fois qu’on communie à ce sang précieux, c’est la vie divine qui entre en nous. L’Alliance nouvelle et éternelle saisit notre vie et l’unit à Dieu. Ô le sang de Jésus, plus précieux que le monde entier, unis-nous à Dieu, car nous espérons en toi !