La fenêtre de la miséricorde

par 23 Fév 20202020, Homélies, Temps Ordinaire

Mt 5, 38-48 – 7e dimanche du Temps Ordinaire, Année A.
 
C’est l’histoire d’une petite fille de onze ans qui s’appelle Maria. Et qui est tuée par un jeune homme Alessandro qui en a 15. Il voulait abuser d’elle. Elle n’a pas consenti. Il l’a transpercée de quatorze coups de poinçons. Avant de mourir, cette petite fille est en paix. Elle sait qu’elle va rejoindre le Christ. Après sa dernière communion, elle confie au prêtre : « pour l’amour de Jésus, je pardonne à Alessandro. Je veux qu’il vienne lui aussi avec moi au Paradis. Que Dieu lui pardonne. Car moi je lui ai déjà pardonné. »
 
Voilà une belle histoire, une histoire vraie, une histoire chrétienne. Elle nous aide à comprendre ce que Jésus nous enseigne dans l’évangile. En nous invitant à « aimer nos ennemis, à faire du bien à qui nous persécute », que nous demande Jésus ? de renoncer à la justice ? Non. Jamais. Il nous demande dans la justice même l’ouverture du cœur et la bienveillance qui cherche non pas à satisfaire la vengeance, mais à honorer la justice, la vraie, celle qui cherche le bien, le bien intégral, notre bien et le bien de celui qui nous offense.
 
Car pour revenir à l’histoire de Maria et d’Alessandro. L’assassin n’a pas échappé la justice. Alessandro a purgé sa peine, il a fait 30 ans de prison. Mais il a rencontré le Christ et s’est converti grâce à la bonté de Maria qui l’a aimé, qui a prié pour lui. Au procès de canonisation de Maria Goretti, le 26 juin 1950, Alessandro Serenelli est là sur la place Saint-Pierre, aux côtés de la mère dont il pris la fille. Il pleure de reconnaissance et d’émotion. Parce que cette petite fille de 11 ans lui a ouvert les portes du ciel.
 
Ce ciel nous est fermé à tous, si la haine triomphe en nous. Que nous soyons les offenseurs ou les offensés. En sa personne, dit-on de Jésus, il a tué la haine. En Jésus nous pouvons nous aussi tuer la haine. La haine qui est en nous. La haine qui est dans notre frère. C’est ce que fit Maria unie à Jésus miséricordieux. C’est ainsi que les chrétiens imitent Jésus et ressemblent à leur père du Ciel pour accomplir toute justice.
 
Alors pourquoi Jésus nous demande-t-il “d’aimer nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent ?” Essayons maintenant de répondre. Certes pour des raisons sociologiques. Parce seul l’amour peut enrayer le cycle de la vendetta, toujours mortifère, pour effacer de nos sociétés rancune et vengeance sans fin. Ensuite pour des raisons morales. Parce qu’il ne « faut pas vaincre par le mal, mais triompher du mal en faisant le bien » comme dit Saint Paul. Enfin et surtout pour des raisons surnaturelles. C’est par l’amour miséricordieux que Dieu se fraye un chemin dans les ténèbres épaisses de nos cœurs pour nous conduire au ciel. Il s’agit de ne pas manquer ce rendez-vous éternel. La seule condition, c’est de laisser une chance à l’amour même des ennemis, en leur souhaitant le ciel.
 
Seul l’Esprit Saint nous permettra d’aimer de cette manière. Ce n’est pas pour rien que le premier martyr chrétien, Étienne, est précisément « rempli d’Esprit Saint ». Il voit les cieux ouverts et Jésus dans sa gloire. Cette fenêtre qui s’ouvre pour lui-même et pour ses ennemis sur le Ciel, c’est la fenêtre de la miséricorde : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché ». À l’instar de Jésus lui-même, le disciple fait rayonner dans le sombre pays de la violence la lumière de l’amour divin. Il troue le ciel en y attirant ses bourreaux.