Aujourd’hui est né un sauveur

par 24 Déc 20202020, Homélies, Noël

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« Comme avant ! Ô, si tout pouvait être comme avant – un Noël comme nous l’avons toujours connu: la chaleur du foyer et les souvenirs d’enfance qui nous bercent. La magie de Noël: un peu d’oubli, un peu de rêve, un peu de chaleur et aussi un peu de Dieu… » Est-ce cela? Venons-nous vers la crèche pour revivre quelque chose du monde d’avant ?

Rien de tel dans l’Évangile qui résonne encore à nos oreilles. Il ne ressemble en rien à un doux rêve: le monde en ébullition, des foules déracinées, une jeune femme qui accouche parmi les bêtes car il n’y a pas de place pour elle, un éclat violent de lumière angélique qui plonge les bergers dans une grande frayeur, et le cri des cieux qui déchire la nuit: « Une grande joie pour tout le peuple: aujourd’hui vous est né un Sauveur ».

Un Sauveur ! Mais pour nous sauver de quoi ? Précisément, d’une vie qui tourne en rond, d’une vie qui désire un renouvellement profond et qui ne trouve que fatigue et cynisme. Sauveur du pouvoir tyrannique des grands qui traitent les gens comme le bétail. Sauveur du péché: celui qui rend notre existence morne et médiocre. « Aujourd’hui vous est né un Sauveur ». Il y a donc un avant et un après: avant la venue de Jésus Christ et après cette venue. Nous venons vers la crèche non pas pour retrouver un peu de douceur rêvée d’autrefois, mais pour puiser à une source d’une nouveauté radicale, inépuisable, indestructible.

Au terme de cette année 2020, comment penser que le monde à venir devrait être un simple prolongement du monde d’avant ? Avec la même dictature du profitable: n’a de valeur que ce qui rapporte ? Avec une conscience anesthésiée par l’avalanche des informations inutiles et excitantes ? Avec une frénésie de consommation qui est censée de combler notre faim ? « Nous ferons tout pour sauver Noël » – qu’est-ce que cette Noël qu’on veut sauver de la sorte ? Des achats, un repas, un monde d’avant replié sur lui-même où Dieu n’est qu’un produit parmi d’autres ?

Ce que nous célébrons en cette nuit très sainte fait voler en éclat le monde d’avant. Dieu n’est pas prisonnier de nos réflexes, et l’enfant n’est pas une marchandise. L’empereur avec sa puissance n’est que prétexte et une jeune fille qui accouche dans un étable est le centre du monde. Joseph, un homme sans aucune importance aux yeux du monde, se trouve être le gardien du plus grand trésor de l’humanité: de Dieu fait homme, du Créateur qui vient vivre avec nous. Emmanuel – Dieu avec nous ! Avec nous dans nos fatigues et nos inquiétudes, avec nous dans nos joies et notre générosité qui nous étonne nous-mêmes. Avec nous dans notre naissance, avec nous dans notre mort enfin – jamais on n’a rien vu de la sorte ! Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Nous sommes ce peuple. Une lumière neuve se lève sur nous – non pas un retour en arrière, mais une naissance d’un monde nouveau. Un monde où la charité est la loi ultime, où la dignité de chacun est inaliénable, où le Royaume de Dieu est notre destiné commune.

Nul ne sait ce qui nous attend dans les mois à venir. Une reprise heureuse ? – espérons-le. Une crise sans précédant ? – cela est possible. Un confinement de plus ? – comment le savoir ? Mais si nous nous inclinons devant l’enfant de Bethléem dans nos crèches, c’est pour confesser que Dieu est avec nous. Que sa venue nous permet de traverser les ténèbres de notre histoire dans sa lumière, appuyés sur sa présence, sûrs de sa miséricorde. Rien ne sera comme avant – parce que désormais, à partir de cette nuit, Dieu est avec nous. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.