Une vie cachée ?
Frères et Sœurs dans le Christ !
Lorsque nous évoquons les premières années de la vie de Jésus, nous parlons de sa « vie cachée à Nazareth », sa petite ville de Galilée.
Mais que signifie exactement cette expression de « vie cachée » appliquée à Jésus ?
Ne nous y trompons pas : Jésus ne s’est jamais caché, retiré du monde, ni isolé à Nazareth, au contraire il vivait avec tout le monde, c’était un ouvrier connu en ville, travaillant comme charpentier avec Joseph, au service de ses clients. Rien ne le distinguait de ses compatriotes car il menait la vie commune à tout le monde.
Il n’en était pas ainsi au même moment pour Jean-Baptiste qui, lui, était parti vivre au désert, caché aux yeux du monde, ayant un style une vie bien différent de celui de ses proches.
Jésus était si peu « caché » qu’il lui fut très difficile de révéler l’ampleur de sa personnalité à ses compatriotes comme nous le voyons dans l’évangile d’aujourd’hui : il était connu comme un simple nazaréen et ce qui était caché en lui c’était qu’il fut le Messie dont parlaient le prophète Isaïe et tous les prophètes.
Les habitants de Nazareth ne pouvaient absolument pas se douter qu’un jour, dans leur propre ville, en la jeune Marie, le mystère de l’Incarnation de Dieu s’était réalisé et qu’il était, lui, ce mystère en personne.
Tel était bien « Jésus de Nazareth » : vrai Dieu et vrai homme :
« Dieu né de Dieu… Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme… il a habité parmi nous »
Le Fils de Dieu le Père en prenant la nature humaine a voulu être parmi les hommes et, pendant trente ans, semblable aux habitants de Nazareth.
Telle fut donc la « vie cachée de Jésus » à Nazareth, ce qui était « caché » en lui, c’était sa divinité.
Vint alors cet événement que nous raconte saint Luc qui fut un véritable séisme religieux car il modifiait toute la vision de l’Ancien Testament ainsi que celle du rapport entre Dieu et le peuple élu.
C’était un jour de sabbat, le jour de la prière à la synagogue et de la lecture de l’Ecriture sainte.
Ce jour-là à Nazareth on n’a plus reconnu Jésus, il n’était plus simplement le fils de Joseph mais celui qu’annonçait un passage du Livre saint.
A la synagogue, le servant avait apporté à Jésus le rouleau des Ecritures : Jésus après l’avoir ouvert, y choisit une prophétie Isaïe et en donna l’explication : il en fit l’exégèse.
Son commentaire bouleversa tout le monde dans la synagogue, comme il nous bouleverse toujours, vingt siècles après. C’était une vraie révolution exégétique : le texte, un écrit, le Livre par excellence, s’effaçait devant quelqu’un qui était, en personne, la Parole de Dieu. Le christianisme ne serait jamais une religion du Livre, mais la religion de Celui qui était, en personne la Parole de Dieu, qui, dès lors, a parlé directement aux hommes, sans papier ni encre, mais inscrivait directement ses paroles dans les cœurs.
Voici ce texte que nous lisions déjà dimanche dernier : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération… ».
Dans la synagogue, tous les auditeurs furent étonnés : les uns étaient enthousiasmés : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? Mais alors d’où vient ce message de grâce qui sort de sa bouche ? » ; Les autres, surtout les chefs de la synagogue, le prirent très mal, ils sentirent le vent tourner et devinèrent le bouleversement qu’apportait Jésus. Dès lors, à leurs yeux, le fils du charpentier méritait la mort : car il s’était attribué à lui-même une prophétie et faisait converger vers lui-même toute la Bible et de plus, grande injure pour eux, Jésus semblait mettre les païens à égalité avec le peuple élu : il allait bien plus loin que Jonas qui avait prétendu que la miséricorde de Dieu s’étendait aux païens de Ninive.
C’est à ce moment-là que Jésus mit fin à sa vie cachée et inaugura sa prédication :
« Cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».
Ce qui jusque-là avait été caché dans le fils de Joseph ce n’était pas la nature humaine mais sa nature divine, le fait qu’il était le Messie attendu précisément par le peuple d’Israël. Cette révélation déclencha une vive réaction : que Jésus soit le fils du charpentier ne posait pas de problèmes, mais comment accepter qu’il se déclare prophète.
Dès lors Jésus devint semblable à tous les prophètes de la Bible qui, comme Jérémie, durant toute leur vie furent combattus dans leur propre patrie et par ceux-là même auxquels Dieu les avait envoyés :
« Amen, je vous le dis, aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays ».
Jésus évoqua le prophète Elie chez les païens de la région libanaise qui se rendit auprès d’une pauvre veuve, et il rappela comment le prophète Elisée avait purifié de la lèpre un païen de Syrie. Par ces rappels historiques, Jésus faisait comme une brèche dans la mentalité du peuple élu qui se croyait être le seul aimé par Dieu.
Jésus déclarait solennellement que tous les peuples de la terre étaient objet de la miséricorde divine, que tous étaient appelés au même salut. Le peuple d’Israël restait bien sûr élu, mais toute l’humanité était aussi appelée à entrer dans le Royaume de Dieu.
Ce jour-là la révélation fut donc double : la parole de Dieu transcrite dans le Livre Saint semblait s’effacer, comme la lumière de la bougie devant le soleil, l’écriture se faisait silence devant Celui qui était la Parole de Dieu en Personne ; quant au peuple précédemment choisi, il devait accepter et se réjouir de voir que tous les peuples de la terre sans exception était appelés à se convertir et à entrer en amitié avec Dieu.
Par ces paroles de Jésus, la synagogue fut remplie d’une éblouissante lumière que les yeux et les esprits humains n’arrivaient pas à supporter : l’un des habitants de la ville, l’un de ses enfants, se révélait être ou se prétendait être celui dont parlait le prophète Isaïe, il y avait ici plus qu’Elie et Elisée, c’était le Messie en personne !
De fait il s’agissait bien d’une révélation concernant la signification, et le rôle des Saintes écritures : leur seul objectif était de préparer et d’annoncer la venue de Jésus le Messie. La plus grande leçon d’exégèse de tous les temps fut donnée ce jour-là, base et fondement de toutes les études bibliques à venir. La Parole de Dieu, fut elle consignée dans des Ecritures se trouve parfaitement exprimée et totalement révélée en Jésus lui-même :
« Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez le ! »
Dans la synagogue de Nazareth l’enseignement de Jésus était double et il nous invite aujourd’hui encore à avoir un vrai sens biblique : Toute l’Ecriture a été suscitée par l’Esprit Saint pour nous faire rencontrer Jésus qui est la Parole de Dieu en personne, nous ne sommes pas dans une religion du livre comme nous le rappelle le Catéchisme de l’Eglise Catholique, mais de la Parole du Père qui est Jésus : notre horizon n’est plus celui de l’élection d’un peuple unique mais bien de toute l’humanité pour laquelle Jésus, par sa Mort et sa Résurrection a ouvert le chemin de la vie éternelle.
Jésus a réalisé dans toute sa plénitude sa mission telle que l’avait entrevue le prophète Isaïe : il a apporté la Bonne Nouvelle à tous, il apporté la liberté et ouvert les esprits à la connaissance de Dieu et à celle de la destinée humaine : par sa mort et sa résurrection il a libéré l’humanité de l’oppression du péché et du mal.
La mission de Jésus était transmissible, elle est devenue aujourd’hui celle l’Église, vraie Corps du Christ. Toujours et partout l’Esprit Saint éclaire, sanctifie et attache l’humanité à son Sauveur. Cette même mission devient aussi la nôtre par participation, nous avons tous, chacun là où Dieu nous placé dans la vie, à participer à l’évangélisation, en nous évangélisant nous-même tout d’abord et en partageant la Bonne nouvelle autour de nous.
Mais comme Jésus, comme tous les prophètes et les apôtres, l’Église, et ses enfants, connait des oppositions et elle souffre persécution, mais comme Jésus sortant de la synagogue de Nazareth, elle est enracinée et forte de cet amour dont saint Paul parlait aux Corinthiens ; elle fait comme Jésus parmi ses opposants : « Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin ».
Ce chemin n’est autre que le Christ en personne, La Parole de Dieu qui est pour nous un bouclier, un rempart, un abri, une Parole qui est aussi la Vérité et la Vie en Personne. Amen