A bon entendeur, salut !
1. Avez-vous bien compris ? Question inutile, car il y a des paraboles qui devraient se passer de commentaire ! Pharisien, publicain, entre les deux, chacun sait depuis deux mille ans lequel il doit imiter. A bon entendeur, salut ! La clarté a jailli du Temple comme une évidence, en écho à cette prière : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! »
Alors, « quand ce publicain redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste ». Et la réponse qui nous fait préférer le publicain n’est pas seulement la présentation par Jésus dont nous voulons ratifier le choix, mais il s’agit du motif de cette préférence : « à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres ». On aurait tort de laisser passer ce pharisaïsme du mépris, si commun, qui n’est pas seulement un aveu de sottise, mais une opinion mortifère, ce mépris, fruit pourri d’un mauvais travail de l’esprit…
2. Car qu’est-ce qui fait un juste, en vérité ? C’est la connaissance de soi et la reconnaissance de Dieu ; c’est l’accueil de la grâce et la fidélité à cette grâce qui s’épanouira en gloire. Et le pécheur, pardonné, transfiguré, rayonnera ; et il nous entrainera à l’imiter.
Est-ce rêver que de dire cela ? Est-ce être naïf que de proclamer cela ? Comme si l’on devait croire « pécheur un jour, pêcheur toujours ? » Devenir juste est en effet le grand œuvre de notre vie ; et devenir saint sera le chef-d’œuvre de notre parcours, pour lequel le Seigneur prodigue son soutien sans faille.
3. Souvent, nous reconnaissons le fait des imperfections … des autres ; souvent aussi nous reconnaissons l’excellence de la sainteté des autres. Or, nous avons aussi imperfection, n’en déplaise au pharisien ; et sainteté, n’en déplaise au publicain. Et notre vie personnelle relie l’une à l’autre : imperfection et sainteté. Elle est à la fois imparfaite et sainte. Elle n’est ni complètement imparfaite, ni complètement sainte. Elle va de l’une à l’autre comme un esquif balloté dans la tempête. Mais si elle a quitté une rive, et plongé dans les eaux du baptême il y a – pour la plupart d’entre nous – sans doute quelques années, c’est pour gagner un jour ou l’autre, un autre rivage, plus beau encore.
Toute l’existence peut-être ainsi dessinée, en un parcours animé, ballotté – mais transfiguré si nous laissons Dieu tenir le cap et nous sanctifiant.
4. Ecrivant à son cher Timothée, saint Paul illustre précisément cette œuvre vivifiante de Dieu, sa Miséricorde fidèle, sa patience fortifiante, son espérance consolante. Il confie : « Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi ». Or nous savons que les premiers temps de ce pharisien illustre en firent un témoin approbateur du meurtre du diacre saint Etienne, à Jérusalem et un redoutable persécuteur des premiers chrétiens. Mais accueillant la grâce et son baptême à Damas, il fera de sa propre existence une lumière pour la nôtre. Il y a dans cette vie du pharisien persécuteur, devenu chrétien et docteur de la foi, une vie apostolique unique, déployée dans la fidélité à la grâce.
Nous conviant à notre propre sanctification, il exprimait la confiance en la sienne ! « Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse ».
5. Je ne sais si nous mesurons bien la grandeur de telles phrases ! Leur ampleur, leur grâce, leur capacité à nous élever, nous la verrons au Ciel ! Mais pouvoir les écrire en vérité, n’est-pas ce que chacun de nous devrait espérer pouvoir faire au soir de sa vie ? Les goûter n’est-ce pas ce que nous devons vouloir ? Savoir ainsi reconnaître, et devant un proche : « Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. »
Alors, soit que nous écrivions comme un saint pharisien : « Le Seigneur me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. » ; soit que nous suppliions comme un saint publicain : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! », l’immense réalité de la fidélité de Dieu descend jusqu’à nous pour que nous vivions par elle, pour que nous espérions avec elle. A bon entendeur, salut !