Conversion

par 8 Déc 20192019, Avent, Homélies

Mt 3, 1-12 – 2ème dimanche de l’Avent

Autant les quarante jours de carême sont-ils en général appréhendés par les chrétiens avec une certaine réserve, parfois même de la crainte, autant le temps de l’Avent est, lui, bien souvent aimé et attendu.

L’entrée en Avent annonce déjà ce que nous appelons aujourd’hui avec une pudeur toute laïque les « fêtes de fin d’année », et cette perspective vient contrebalancer la fatigue de saison, les trop courtes journées et la fraicheur du climat.

Nous nous avançons vers un évènement attendrissant, la naissance de l’enfant-Dieu au cœur d’une nuit paisible, dont le silence est simplement rompu par la douce voix des anges.

Les personnages de la crèche nous accompagnent joyeusement vers cette étable, les illuminations de nos villes appellent à la fête, les familles organisent les menus et les réjouissances diverses en vue des retrouvailles de tous ses membres disséminés en France ou à l’étranger, et même depuis quelques années, cerise sur le gâteau, les offres alléchantes du black Friday permettent déjà, en sortant la carte bleue, d’imaginer la joie du bambin recevant le dernier iPhone acquis à moindre coût.

Comment ne pas aimer l’Avent ?

Il s’agit d’une jolie facette de cette période de l’année, celle qui fait office de vitrine, qui brille. Mais en ouvrant les yeux, on constate que seuls quelques privilégiés ont accès à cette vitrine, sont éclairés par ces lumières.

Beaucoup restent dans l’ombre d’un monde indifférent au faible et au petit. Pour eux, la même période est appréhendée avec une signification bien différente.

Elle annonce une solitude accrue et aiguë pour les personnes seules,une angoisse décuplée pour ceux qui sont touchés par la maladie à affronter douloureusement,une amertume exacerbée pour ceux dont les moyens limités ne permettent pas de participer aux festivités commerciales données en modèle via les moyens de communication de masse.

L’approche de Noël semble donc diviser les hommes entre ceux qui en jouissent et ceux qui en sont exclus, ceux qui ont réservé leur place à l’auberge, et ceux qui vont devoir se contenter d’une pauvre étable.

Or si la joie de l’Avent n’est pas pour tous, cela signifie qu’elle ne vient pas de Dieu et qu’elle est fausse, elle est de la poudre aux yeux.

Si la paix pressentie ne vient pas toucher et consoler tous les cœurs, elle ne vient pas de Dieu, mais est une illusion du monde.

Si nous faisons nôtre cette joie-là, cette paix-là, nous sommes de bons serviteurs du monde, mais nous n’attendons pas le Messie annoncé et proclamé par les Écritures.

Le Messie, la racine de Jessé, sera dressé comme un étendard pour tous les peuples indique Isaïe, et Saint Paul ajoute : l’espérance a été donnée par le Christ aux juifs et aux nations.

Dieu vient pour tous les hommes et non pour quelques privilégiés seulement.

La quiétude et la mièvrerie véhiculés par les films de Noël et autres produits commerciaux ne sont que des moyens pour endormir l’âme des hommes et l’empêcher de se laisser embraser par celui qui vient sortir toute l’humanité de sa léthargie.

Jésus est formel, sa venue ne laissera personne tranquille, « je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49)

C’est le message relayé par le baptiste. Dans sa violence, dans sa virulence, il vient rappeler que le but de ces quelques semaines n’est pas différent de celui du carême si redouté, il s’agit de se convertir.

Se convertir pour devenir capable de découvrir le Christ là où il est vraiment. Non dans les guirlandes et les illuminations mais sous les traits du plus petit qui dérange.

Ce n’est pas une option. Pour reconnaître Jésus venant à notre rencontre, il faut l’avoir trouvé au préalable là où personne n’aurait songé à chercher Dieu : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Le pauvre, le petit, est consacré comme sacrement du Christ. Si nous n’avons pas, un petit peu au moins, le sens du pauvre, nous devrions nous demander avec inquiétude si nous avons le sens du Christ.

Pour acquérir ce sens du Christ, la méthode de conversion prônée par Jean le Baptiste est radicale, sans concessions, changer un cœur ne se fait pas sans dégâts.

Il nous appelle à passer du doux bling-bling commercial au rude big bang intérieur. Préparer les chemins du Seigneur, rendre droit ses sentiers dans nos vies nécessite de la dynamite.

Pour faire passer le chemin de fer au travers d’une montagne, il faut la faire exploser.

Pour transformer un cœur de pierre en cœur de chair, il faut également le faire exploser, tel est l’appel entendu aujourd’hui : « Depuis Jean le Baptiste, le Royaume de Dieu souffre violence et les violents s’en emparent » (Mt 11, 12).

L’avent se présente ainsi sous un aspect radicalement nouveau. Il ne sera pas réussi si nous gagnons le concours de la plus jolie crèche ou du sapin le mieux décoré, mais dans la mesure où nous aurons produit « un fruit digne de la conversion », si nos montagnes d’égoïsme, d’indifférence, d’envie s’effondrent sous le poids de la grâce pour laisser place aux œuvres de miséricorde.

D’un tel appel à la conversion, personne n’est exclu, et tous riches et pauvres, en reçoivent les fruits de paix et de joie que Dieu porte au monde, le royaume des cieux est tout proche !

Amen.