Tout s’éclaire
Alors que le jour recommence à gagner sur la nuit, nous avons allumé des cierges et nous nous sommes mis en marche à la rencontre de notre Seigneur et Sauveur. Encore dans l’obscurité, ce matin, nombre de pèlerins ont accompli le même geste à Saint Victor. Quelque part entre la nuit de Bethléem remplie, devant les bergers, de la lumière céleste, scintillant aux yeux des mages d’Orient d’une étoile guide, et la nuit de Pâques où flambera la lumière du Christ Vainqueur de la mort, que nous partagerons et porterons aussi, nous avons allumé et portons ces cierges en signe de la lumière du Seigneur venue éclairer notre ténèbre, pour la repousser, nous guider et faire de nous, par la foi, par l’œuvre de la grâce et au souffle de l’Esprit Saint, des enfants et des porteurs de la lumière éternelle. Un signe de lumière dans nos mains, pour nous inciter à être signes de la Lumière, dans une lumineuse fête en laquelle converge et se résume le mystère de l’Incarnation, quarante jours après Noël, dans l’achèvement de la manifestation du Fils unique, Verbe fait chair et Sauveur, comme l’Ascension, quarante jours après Pâques, voit l’aboutissement, dans la gloire, du mystère pascal.
Tout s’éclaire. Voici que s’éclairent, de l’intérieur, les prophéties messianiques et l’annonce du salut et que, par la bouche et le témoignage de Syméon et Anne, ces deux figures vigies d’Israël, représentant tous les pauvres du Seigneur et les justes et leur espérance, tout le culte au Dieu Saint, et tout ce que Dieu a disposé dans ceux qu’Il S’est choisi pour Sa venue, l’attestation est donnée de la prophétie authentique puisque tout se réalise. Tout disposé en effet ! : tout fourmille de symboles dans la vie même de cette femme : son veuvage dans l’attente de l’époux, son âge, 7X12, associant une complétude à une autre,…. ; tout déborde de références et de citations des Écritures dans les propos de Syméon, véritable memento d’Israël. De même quant à la Loi : celle à laquelle obéissent Marie et Joseph pour leur enfant, voici qu’elle s’accomplit pleinement : l’offrande de purification n’est nécessaire ni à Jésus ni à Sa mère, mais le Premier-né par excellence vient Lui-même racheter tout enfant des hommes en S’offrant au Père pour la purification des péchés, et voilà donc le sens et la réalité de ce dont la prescription donnée à Moïse était la figure. Et de même pour le Temple : voici qu’il se remplit une nouvelle fois de gloire et de lumière divine, mais de la manière définitive qui dépasse désormais le bâtiment et son ordonnancement, car Celui qui en a fait Sa demeure en figure en prend Lui-même possession, le Dieu vivant et vrai : l’amour et la volonté du Père vers qui sont tournés les prières et les rites, l’Esprit Saint qui manifeste Ses opérations et Se redit à plusieurs reprises dans cet Évangile, les voici présents dans la présence et l’offrande du Fils unique, le Verbe éternel, qui fait de Sa chair le Temple véritable et prend déjà possession de Son Règne. Tout le mystère de Noël et de l’Incarnation du Sauveur se concentre donc dans ces rencontres et ces paroles insolites au milieu des prescriptions et des gestes réglés, au point d’étonner même Joseph et Marie, comme lorsqu’ils retrouveront l’Enfant un moment égaré dans le même Temple, alors que la règle retrouve sa vraie mesure, et la présence son vrai sens. Désigné par les anges aux bergers, reconnu par les mages, c’est le Christ qui Se fait aujourd’hui déjà reconnaître, dans l’attente que Son ministère et Sa Passion, bien plus tard, lorsque le temps des fruits sera venu, Le manifestent totalement. Le tableau peu à peu construit de la Révélation, et que Syméon, Anne et les autres ne quittaient pas des yeux, voici qu’il s’anime et abolit son cadre ancien.
Tout s’éclaire aussi de la lumière de la foi. Ce tableau devenu vivant, ce sont les hommes qui y entrent, car Dieu vient à leur rencontre. La foi de Syméon et Anne, qui reconnaissent pour qui ils sont ces trois personnages, au milieu de la cohue, et que l’on devine tout de modestie dans leurs moyens et de discrétion dans leurs façons. Leur foi, qui leur fait reconnaître, dans la présence apparemment inactive et ordinaire de ce petit enfant, que la gloire promise à Israël s’accomplit, que le Christ est la lumière et le salut pour tous les hommes, annoncé et porté par Son peuple, et que leur temps et tout ce qu’ils représentent s’achève en paix, déjà riche du bonheur que Dieu leur a réservé. La foi de Marie et Joseph, dans leur observance et au-delà de toutes leurs questions probables sur la pertinence des rites pour cet enfant, et qui, déjà, est la foi de l’Église venant remettre une première fois à Jérusalem le Fils à Son Père et présentant Dieu à toutes les nations en accomplissant toute justice. Notre foi, portée par cette sorte de passation de relais, et sollicitée à reconnaître le Sauveur, vrai Dieu et vrai homme dans cet enfant. Notre foi qui entend la poursuite, par la prophétie de Syméon, de la révélation sur ce petit garçon, ce qu’Il apporte de bienfait, mais aussi de clarification, de contradiction et de compassion.
Cette lumière qui éclaire tout en ce jour, notre foi nous permet d’y reconnaître Dieu Lui-même. C’est elle qui purifie notre regard et notre cœur pour que Dieu y prenne la place qui Lui revient et y accomplisse ce pour quoi Il est présent. Voici que, dès lors que nous Le reconnaissons, Il vient à nous, et prend possession de notre être, nous donnant le rendez-vous de Sa lumière en nous, et non ailleurs, pour que tout ce qu’Il a disposé en nous, tout ce qui est figure, prenne réalité et que nous sommes illuminés et lumières. Il Se repose dans nos bras, Lui par qui seul l’offrande de nous-mêmes devient agréable à Dieu, et nous pouvons, sereins, voir S’accomplir en nous et sur nous Sa volonté, serviteurs comblés qui voyons Son salut et Sa gloire.