Chronique du couvent – mars 2020
De Marseille à Lourdes
Que faire maintenant ? Le frère Hugues-François ROVARINO, notre prieur, qui vient d’être nommé responsable national du Pèlerinage du Rosaire va donc devoir quitter notre couvent : nous devons le féliciter car il a une belle charge auprès de Notre-Dame du Rosaire, et aussi lui dire « A bientôt à Lourdes, en octobre, pour le ‘Rosaire’ » ! Comme notre démocratie théologale fonctionne bien, nous avons à élire un prieur pour le couvent qui, en 2025, fêtera son huitième centenaire.
Le « Jour du Seigneur » à Marseille
C’est la Fondation Saint-Jean-de-Dieu, à Marseille, que « Le Jour du Seigneur » a choisi pour téléviser la messe du dimanche 9 février, « Dimanche de la Santé ». La maison de retraite Saint-Barthélemy a été fondée en 1852 par l’Ordre Hospitalier des Frères de Saint Jean de Dieu et, ces dernières années plusieurs de nos frères, y ont vécu leurs derniers jours : les frères Jean VILLENEUVE, Dominique FRÉMIN, Vincent-Marie LABIGNE, Gabriel MONTSERRET, Jean PRUNEAU et Max BART. A l’occasion de cet événement médiatique, nous avons eu la joie d’accueillir le frère Yves COMBEAU, du couvent de l‘Annonciation et conseiller éditorial au CFRT, qui, après la répétition de la messe où il devait prêcher le lendemain, s’est joint un moment à notre réunion du samedi soir.
Messe syriaque à l’église
Mgr Petros MOUSHÉ, archevêque syrien-catholique de Mossoul, vit actuellement à Qaraqosh depuis que le Daech a incendié son évêché à Mossoul et a chassé de cette ville tous les chrétiens qu’il a poursuivis encore à Qaraqosh où ils s’étaient refugiés. Depuis la libération de la plaine de Ninive, l’archevêque a pu se fixer à Qaraqosh. Après un voyage commencé en Australie à la rencontre de la diaspora syrienne-catholique dans de nombreux pays, Mgr Petros, le 6 février, a célébré la messe dans notre église où de nombreuses familles de réfugiés sont venues le rencontrer, lui leur pasteur qu’ils n’avaient pas vu depuis le déferlement du Daesh en Irak. Ce jour-là, sous le porche de l’église, les frères novices ont accueilli les familles, les déchargeant des marmites et des plats irakiens qu’elles apportaient. Notre église fut alors remplie des chants syriaques et arabes et, après la messe, il y eut avec les Frères au réfectoire, un grand repas offert par les familles, heureuses de la présence leur évêque et de revoir des Dominicains, les patri, comme ceux d’Irak.
Une « fusion » avec les étudiants du foyer
Le « Foyer Saint-Lazare», c’est le groupe des 14 étudiants qui logent dans l’aile du couvent située du côté de la rue Edmond Rostand. Les frères Dominique-Benoît JEAN-Luc et Louis D’HÉROUVILLE en sont responsables. Chaque dimanche, à tour de rôle, un étudiant partage le repas conventuel ce qui permet de faire connaissance. Ils étudient dans diverses écoles : EDM, Entreprendre/Manager/Diriger, Centrale, Marine marchande, BTS, Brevet/ Technicien/ Supérieur, CPGE, Classes préparatoires aux Grandes Écoles, écoles de Physique et de Chimie, BUT GE, Droit, Pharmacie. Certains d’entre eux viennent nous rejoindre pour les Complies, tous trouvent au Foyer « une bonne ambiance, bon esprit ».
A Taulignan avec le frère Michel DEMAISON
Aider les fidèles à approfondir l’intelligence de la foi et l’approfondir nous-mêmes, telle fut l’une des invitations que nous fit le frère Michel DEMAISON, du couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, le prédicateur de notre retraite. Nos repas furent enrichis par la lecture du livre sur l’Apocalypse du frère Alain QUILICI dont il nous avait parlé durant son récent séjour parmi nous, car il en attendait alors, avec impatience, la parution : ce fut chose faite et nous avons dû en être les premiers bénéficiaires. Rentrés à Marseille nous avons continué à lire au réfectoire ce livre jusqu’au dernier mot de l’Apocalypse. Un temps très fort de notre retraite fut la célébration de l’Office avec nos sœurs moniales qui nous ont accueillaient si fraternellement dans leur beau monastère. Pendant ce temps, à Marseille, les frères novices avaient, avec le frère Cyrille JALABERT, une session sur l’histoire de l’Ordre.
Deux frères arrivent ; l’horizon du couvent s’élargit
Le frère Denis Bissuel : De Marseille à Marseille en passant par Lille : « J’ai quitté Marseille il y a six ans, en février 2014, pour partir 1000 km plus au Nord au couvent de Lille qui m’avait élu prieur. Ce couvent lillois est un joyau de l’architecture contemporaine, inauguré en 1957 et classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il est fait de briques et de béton, mais aussi de lumière et de verdure car il est situé dans un parc arboré de deux hectares. J’ai passé là six années bonnes et bien remplies.
Le couvent a connu des modifications importantes durant cette période, dues principalement à la décision du chapitre provincial de décembre 2014 de déplacer le studium de la Province. Il a donc fallu prendre de nouvelles orientations dont les principales ont été : l’agrandissement du Foyer Saint Dominique qui est passé à 40 étudiants, le programme annuel d’une dizaine de Week-end au Couvent animés et prêchés par les frères du couvent, le renforcement des liens avec la maison filiale du 60 et les personnes qui la fréquentent, le service des jeunes volontaires internationaux Dom&Go, la poursuite et le développement des sites de prédications par internet Retraite dans la ville, et à la rentrée 2019 un programme culturel pluridisciplinaire de conférences, ateliers et expositions. Tout cela a été possible grâce au dynamisme des frères et à l’appui de nombreux et fidèles bénévoles.
Au terme de mon mandat j’ai pris le train dans l’autre sens.
Et j’arrive à Marseille, les yeux grand ouverts, dans un couvent bien restauré et une communauté renouvelée et accueillante ».
fr. Denis Bissuel
Le frère Luc-Thomas SOMME et les Droits de l’Homme : L’arrivée du frère Luc-Thomas ouvre pour notre couvent un regard large sur bien des pays du monde et leurs situations : « Pour répondre à la demande fraternelle du chroniqueur de mon nouveau couvent d’assignation, à Marseille, je propose quelques lignes de présentation de deux ministères extra-conventuels, à dimension respectivement provinciale et générale. Le premier d’entre eux consiste en une mission d’enseignant-chercheur à l’Université Catholique de Madagascar (Antananarivo) : 30 h de cours chaque semestre dans le domaine de l’éthique philosophique. Cette activité se relie en amont à la signature d’un partenariat entre l’Institut Catholique de Toulouse et l’UCM lorsque j’étais recteur de l’ICT et en aval au projet provincial de fondation à Madagascar en appui de la création d’un grand séminaire à Mahajanga. Le deuxième ministère consiste en une participation à notre délégation permanente à l’ONU-Genève, nommément au Conseil des Droits de l’Homme. L’Ordre y est accrédité par l’intermédiaire d’une ONG – Dominicains pour Justice et Paix. Le Délégué permanent est actuellement le fr. Mike Deeb, qui est aussi le Promoteur Général de Justice et Paix. La délégation à Genève compte aussi une juriste laïque, Laurence Blattmer, qui assure une présence continue. Le fr. Mike, et moi-même en soutien, allons à Genève à l’occasion des 3 sessions annuelles (de 3 à 4 semaine chacune) du Conseil des Droits de l’Homme. Il s’agit essentiellement de faire valoir devant les Nations Unies les informations provenant des victimes de violations des Droits de l’Homme, que nous recevons par l’intermédiaire des membres de la famille dominicaine sur le terrain. Si notre présence se renforce, ce pourrait être aussi l’occasion d’apporter notre éclairage sur les rapports thématiques soumis au Conseil. Notre activité de plaidoyer et de lobbying s’exerce en collaboration avec des ONG parentes, notamment avec les Franciscains. Nous espérons aussi développer le « processus de Salamanque », qui vise à conforter le lien entre notre vie intellectuelle et notre engagement pratique pour la dignité humaine. Cette présence à l’ONU est contrastée : passionnante et frustrante à la fois. Passionnante car elle fournit une opportunité concrète et réelle d’influer sur la protection et la promotion de la dignité humaine, avec des succès parfois immédiats, d’autres parfois espérés à long terme, et des échecs aussi. Frustrante aussi car les vérités manifestées par les ONG font évidemment l’objet d’une dénégation véhémente des Etats incriminés, car l’on voit à l’œuvre les solidarités délétères des régimes dictatoriaux et la volonté d’Etats autoritaires de prendre le contrôle du Conseil pour mieux le neutraliser. C’est donc un ministère qui demande le courage et l’espérance que tout combattant doit avoir, sans assurance de victoire, pour correspondre au jugement de Jésus : « ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ; ce que vous n’avez pas fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25). Cela a sous-tendu l’engagement de Montesinos, de Francisco de Vitoria, de Las Casas et de nombreux frères au long des siècles. Comment pourrions-nous aujourd’hui nous taire ou nous résigner ? » Frère Luc-Thomas Somme.
Le dimanche de la Transfiguration
La messe du deuxième dimanche de Carême, présidée par le frère Hugues-François ROVARINO, a été suivie d’un apéritif dans notre jardin ce qui a permis aux fidèles de rencontrer notre prieur, avant son départ. Dans sa prédication le frère Hugues-François avait insisté sur la surprise de Pierre, Jacques et Jean au moment de la Transfiguration, rappelant qu’un mystère biblique est différent de certaines réalités étonnantes, et, pour illustrer cela, il évoqua la rencontre, en 1931, entre le physicien Albert Einstein et l’acteur Charlie Chaplin, alias « Charlot » : « Ce que j’admire le plus dans votre art, dit Albert Einstein, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant le monde entier vous comprend. – C’est vrai, répliqua Chaplin. Mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend ». Le mystère biblique au contraire veut s’adresser à chacun : Dieu adaptant les cœurs pour qu’ils puissent écouter pleinement sa Parole.
« Quarantena en quaresima »
Quotidiennement, après le repas de midi, au « café », les frères s’informent sur leurs activités car elles entrainent parfois des absences dans la vie commune ou aux offices liturgiques : déplacements dûs aux ministères, sessions, cours à suivre ou à faire à l’ICT, présence à l’école Lacordaire, responsabilités dans le Scoutisme, groupes de foyer ou de préparation au mariage, etc. Mais voilà que depuis le week-end 15 mars, il n’y a plus aucune « infos » à se donner ! : cours annulés, réunions reportées, toutes les activités ou rencontres impossibles. En quelques jours on est passé de la « communion à la main », à des assemblées de moins de 100 personnes, puis de l’église « portes ouvertes » aux « portes fermées » : les fidèles maintenant ne peuvent plus venir, et nous pour sortir du couvent il faut permission officielle. Donc, lors des Offices célébrés « portes fermées », comme au Moyen âge en périodes d’interdits, nous sommes tous bien présents et, du fait de notre rythme actuel, quasi monastique, des frères en profitent pour reprendre ou entreprendre des lectures imposantes : le Totum dominicain, des textes hébreux de la Bible, de grosses sommes de théologie ou d’orientalisme, mais tous nous portons dans nos esprits et notre prière, une foule de fidèles, de familles, de malades, de jeunes que nous connaissons et qui sont en ce moment bien confinés.
En ce temps de « quarantena en quaresima », le Maître de l’Ordre nous a invités à réfléchir à la proximité de Dieu avec nous et à la communion spirituelle.