Ô sang et eau
Vendredi saint, on a faim. Notre estomac est vide. Il y a, vendredi saint, un autre vide auquel on pense moins. En entrant dans l’église, on trouve le bénitier vide, le tabernacle vide. D’habitude quand on entre dans une église, notre corps sait ce qu’il a à faire : le bénitier, souvenir de cette eau qui nous a donné la vie divine « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », et le tabernacle pour saluer le corps, le sang, l’âme et la divinité de Jésus.
Et vendredi saint, plus rien. Notre main s’agite en vain dans le bénitier qui n’a plus une goutte d’eau, et nous arrêtons dernière minute notre début de génuflexion devant un tabernacle ouvert, désespérément vide. Jésus, n’est plus là…
Retirer de l’église l’eau bénite, le corps, et le sang, c’est lui retirer sa vie qui lui vient de Dieu. Enlever Jésus du reposoir, c’est arracher à l’église la présence de son époux qui lui donne la vie. C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang.
Quelques jours après le vendredi saint, l’eau baptismale de la sainte nuit de Pâques, le corps et le sang de la Pâques nouvelle, nous réjouissent d’autant plus que l’on en a été privé dans le silence du samedi saint, un peu comme ce délicieux chocolat praliné du jour de Pâques qui a un goût plus intense qu’aucun chocolat du reste de l’année, après 40 jours de privation.
Samedi saint, ne pas pouvoir manger ce corps, boire ce sang, nous donne de réaliser la grâce qui nous est faite de pouvoir être en présence de Jésus, tous les autres jours de l’année.
Cette gratuité de l’amour de Dieu, cette gratuité de sa présence, dans l’eau et le sang, est représentée dans le message de Jésus à Sainte Faustine, par deux rayons lumineux qui jaillissent du cœur du Christ miséricordieux.
Un rayon de lumière peut traverser l’espace, rien ne peut ralentir sa course, il se diffuse, partout. Ainsi la miséricorde qui jaillit du cœur de Jésus rayonne sur le monde entier. Nous n’avons aucun effort à faire pour la recevoir. La seule disposition que Jésus demande, c’est d’accueillir ce rayon de lumière, de ne pas fermer les volets de notre cœur, par honte de notre péché, ou par paresse de la conversion à accomplir, mais de laisser au contraire rentrer la lumière des rayons de sa miséricorde : laisser remplir en nous, ce qui ressemble à un bénitier sec, ou à un tabernacle vide.
Un jour le confesseur de Faustine lui demanda le sens de ces rayons. Elle répondit : « je vais le demander à Jésus ». Elle se met en prière et entend : » Ma fille, ces deux rayons indiquent le Sang et l’Eau : le rayon pâle signifie l’Eau, qui purifie les âmes ; le rayon rouge signifie le Sang, qui est la vie des âmes. Ces deux rayons jaillirent des entrailles de ma Miséricorde, alors que Mon Cœur, agonisant sur la croix, fut ouvert par la lance. Heureux est celui qui vivra dans leur lumière. Et Jésus ajouta : Je désire que le premier dimanche après Pâques soit la fête de la Miséricorde.
Il est rare que Jésus s’occupe lui-même de la liturgie de manière aussi précise. Il l’a fait, il y a 800 quand il a demandé la fête du saint sacrement à Julienne du Mont Cornillon. Il l’a fait, il y a 400 ans, quand il a demandé la fête du sacré cœur à sainte Marguerite Marie. Il l’a fait il y a un petit siècle, quand il a demandé la fête de la Miséricorde à sainte Faustine. Ces trois fêtes ne viennent pas nous révéler quelque chose d’inédit en plus de l’évangile, du mystère pascal, mais elles sont comme le déploiement de ces différents rayons de lumière qui remplissent l’espace dans différentes directions, mais jaillissent d’une source unique. Ces trois fêtes nous invitent à regarder d’un seul regard cette source : l’offrande de Jésus au soir de la Cène, le sacrifice de la croix, et la lumière du ressuscité jaillissant de son cœur.
Ce cœur, qui s’offre jeudi saint autour d’une table, est ouvert vendredi saint sur la croix et il irradie de sa lumière tout l’univers, le jour de la Résurrection ! Et c’est ce cœur que Jésus offre miséricordieusement aux mains de Thomas, pour lui permettre de toucher, de passer à travers sa chair pour saisir avec sa main ce qu’il n’arrive pas à comprendre avec sa tête. Alors que son esprit résiste une semaine entière au témoignage de ses compagnons, son âme se déchire alors qu’il met sa main dans le côté ouvert du Christ, alors qu’il touche ce cœur qui a tant aimé le monde.
Le chemin que Thomas n’arrivait pas à faire en une semaine avec son cerveau, il le fait en une seconde, avec son doigt. Dans l’obscurité du doute, il tâtonne sans voir, et c’est en touchant le cœur de Jésus, que tout son être, se convertit. Thomas est transformé. Après avoir touché la source rayonnante de l’amour de Dieu pour les hommes il est illuminé, envahi par sa miséricorde. En un instant il dépasse tous ses compagnons dans ce sublime acte de foi, que nous pouvons refaire avec lui à chaque à chaque élévation : Mon Seigneur, et mon Dieu.
Après avoir retiré vendredi saint, tout penauds, notre main du bénitier vide, après nous être affligés de l’absence de Jésus au tabernacle, nous pouvons à présent rendre grâce pour la présence miséricordieuse de Jésus. Nous pouvons comme Thomas plonger notre main dans cette eau, dans ce sang qui jaillissent du cœur de Jésus et qui nous donnent la vie, sans mesure. Cette eau nous a déjà sauvé. Ce sang nous nourrit et continue de nous faire grandir dans la grâce.
Ô sang et eau, qui avez jailli du cœur de Jésus, comme source de miséricorde pour nous, j’ai confiance en vous.
Ô sang et eau, qui avez jailli du cœur de Jésus, comme source de miséricorde pour nous, j’ai confiance en vous.
Ô sang et eau, qui avez jailli du cœur de Jésus, comme source de miséricorde pour nous, j’ai confiance en vous.