Prenez et mangez
Souviens-toi, répétera Moïse avec insistance au peuple bien-aimé de Dieu, souviens-toi, n’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant 40 ans dans le désert. C’est le Seigneur ton Dieu qui t’a donné, jour après jour et pendant 40 ans, la nourriture dont tu avais besoin pour supporter la fatigue et endurer les épreuves. C’est le Seigneur ton Dieu qui t’a donné la manne, cette nourriture inconnue de tes pères.
Les fils d’Israël, en fait de nourriture, avaient sous les yeux une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre sur le sol. Ils se demandaient : Qu’est-ce que c’est ? Mann hou ? – C’est le pain venu du ciel, leur répondit Moïse, le pain que le Seigneur vous donne à manger. Aujourd’hui, frères et sœurs, le Seigneur nous donne à nous aussi la nourriture dont nous avons besoin pour tenir bon dans la vie, dans notre pèlerinage sur la terre ; il nous donne à nous aussi le pain venu du ciel.
Devant l’hostie nous faisons d’abord l’expérience que nous ne voyons rien sinon du pain en forme d’hostie. Il faut ici que ‘la foi supplée là où les sens font défaut’, comme nous le chantons dans le Tantum ergo. Il faut ouvrir les yeux de la foi et écouter la réponse à la question : le Christ lui-même donne signification à la réalité sensible que nous voyons, c’est-à-dire à l’hostie : Ceci c’est mon corps livré pour vous.
Quel mystère ! Qu’il est grand le mystère de la foi, le Saint Mystère, autrement dit le Saint Sacrement. Devant l’hostie consacrée nous nous inclinons, nous reconnaissons le pain vivant descendu du ciel, notre Seigneur Jésus-Christ lui-même.
Aujourd’hui l’Église nous invite à célébrer plus solennellement le « Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ », à entrer plus avant dans ce mystère. Nous le célébrons, chaque dimanche, chaque jour, car nous sommes des pèlerins et nous avons besoin de nourrir régulièrement notre vie de foi. Nous reprenons les paroles et les gestes de Jésus, en mémoire de lui, comme il nous a dit de le faire. Il ne s’agit pas du simple rappel d’un événement passé mais de la réalisation présente du mystère de notre salut en Jésus-Christ. Nous revivons ce que Jésus a vécu avec ses disciples…
… quand avant d’entrer dans sa passion, alors qu’il était à table avec eux, il prit du pain ordinaire, celui qui est fait pour nourrir l’humanité, celui que l’on sait aussi partager en signe d’amitié. Jésus fait de ce pain son Corps, et il leur donne. Et Jésus prend une coupe de vin, ordinaire, et il fait de ce vin son sang, et il leur donne en nourriture : Prenez, mangez et buvez, ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous, voici ma vie offerte en rançon pour la multitude.
Ouvrons nos cœurs, nos yeux, nos mains et nos lèvres pour recevoir en nous le cadeau que Dieu nous fait, sa Parole et son pain, mangeons et buvons à pleine coupe. Le Christ se donne à nous réellement. Jésus donne et se donne jusqu’à se faire pain, vin, chair du Fils de l’Homme. Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Moi Je suis le pain vivant descendu du ciel, dit Jésus. Qui mange de ce pain vivra éternellement, qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour.
Ces paroles très fortes suscitent l’indignation, elles sont dures à entendre, humainement incompréhensible. En les entendant beaucoup de ceux qui accompagnaient Jésus cessèrent de le suivre. On murmure, on discute, on se divise. Comment cet homme peut-il donner sa chair à manger ? Comment ce Jésus dont nous connaissons bien le père et la mère peut-il se prétendre Verbe de Dieu, Pain de Vie, Manne descendue du ciel ? Comment est-il allé jusqu’à livrer son corps, sa chair pour la vie du monde ? Et qui donc serait Dieu s’il laissait mourir son envoyé ?
Face à ces doutes et ces incompréhensions, Jésus leur demande : Alors vous voulez partir vous aussi ? Mais à qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ? En effet, à qui irions-nous ? C’est bien en restant fermement attachés au Christ que nous pouvons entrer plus avant dans l’intelligence du Saint Mystère. C’est en pratiquant, en prenant du temps en sa présence, temps de l’adoration, de la contemplation, de la lente rumination du Messie crucifié, donnant sa vie par amour pour le monde. L’eucharistie est cette grande et mystérieuse expérience, éprouvée jusque dans notre corps, de la présence réelle du corps du Christ crucifié ressuscité qui transforme notre vie pour qu’elle devienne fraternelle, sacramentelle, Temple, Tabernacle du Dieu vivant.
Quand nous nous avançons, heureux d’être invités au repas du Seigneur, en recevant l’hostie nous entendons : le Corps du Christ, et dans la foi nous osons répondre : Amen ! C’est vrai, je crois. Fortifiés par cette nourriture nous pouvons aller notre chemin, dans la paix du Christ.