Ceci est mon corps livré pour vous
Pour célébrer la solennité du St Sacrement du Corps et du Sang du Christ, la liturgie nous propose aujourd’hui trois textes qui sont ceux de l’année C. Nous pourrions les méditer à partir de cette simple phrase : en nous révélant son plus grand amour, Dieu nous sauve et nous appelle en Eglise à une mystérieuse fécondité.
Il est question de libération et donc de salut dans ce passage du livre de la Genèse que nous avons entendu en première lecture. C’est en effet au retour d’une expédition victorieuse qu’Abraham rejoint ce mystérieux personnage du nom de Melkisédek qui est à la fois prêtre et roi de justice et de paix. C’est en offrant du pain et du vin, comme nous le faisons à chaque eucharistie, que Melkisédek prononça cette double bénédiction : « Béni soit Abraham par le Dieu Très Haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu Très Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains ». Libérer l’humanité de tous ses ennemis, voilà ce qui est au cœur du projet de salut de Dieu depuis les origines. L’Eglise a trouvé dans la figure de Melkisédek l’annonce de celle de Jésus Christ qui est à la fois Messie, c’est-à-dire Roi et Grand Prêtre qui nous obtient le pardon et la libération. C’est en Jésus que nous sommes libérés de ces ennemis qui nous rendent esclaves. Le dernier ennemi que Jésus a vaincu c’est la mort. Voilà ce que nous célébrons et confortons à chaque eucharistie dans le sacrement du Corps et du Sang du Christ.
Comment Dieu nous sauve-t-il ? La seconde lecture de cette célébration nous le dit : c’est en nous révélant son plus grand amour. Lorsque St Paul s’adresse aux Corinthiens dans sa première lettre, il leur transmet ce qu’il a reçu de la tradition qui vient du Seigneur. Le vrai sens de la tradition est ce trésor que l’on reçoit et que l’on doit transmettre à ceux qui nous suivent. Or ce trésor est bien la révélation de ce trop grand amour de Dieu pour ses créatures. La tradition du Seigneur est le mémorial du dernier repas de Jésus avec ses disciples, repas qui fondera l’eucharistie. A chaque eucharistie, le prêtre redit les paroles mêmes du Christ : ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous, ce qui traduit la même réalité que celle de la tradition reçue par Paul où il est dit : cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. Pourquoi ce dernier repas de Jésus révèle-t-il le trop grand amour de Dieu pour nous ? C’est parce qu’il transforme en source de vie et de salut cette mise à mort de l’innocent par excellence, de ce Dieu fait homme venu pour nous sauver. Jésus le fait en allant librement à la mort afin de faire de sa mort et de sa résurrection le jaillissement de son trop grand amour. « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne ».
En nous révélant son plus grand amour, Dieu nous sauve donc mais il nous appelle aussi en Eglise à une mystérieuse fécondité. En effet ce trésor que Dieu nous offre ne s’épanouira pas en nous si nous ne le partageons pas. Le sens même de notre vie est de nous découvrir aimés et sauvés par Dieu et appelés à aimer à notre tour de l’amour dont Il nous aime afin d’entrer dans cette vie où Dieu sera tout en tous. Quel est le véritable horizon de cet appel ? Jésus nous le dit dans la réponse qu’il fait aux douze apôtres qui ne savaient pas comment nourrir la foule qui était venu l’écouter : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » leur dit-il et Jésus réussit la multiplication des mains non par à partir de rien mais à partir de ce qu’il leur restait : cinq pains et deux poissons. Jésus les bénit, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent eux-mêmes à tout le monde. Cette multiplication des pains évoque d’abord la multiplication du pain eucharistique dans les célébrations de la messe mais pas seulement. Elle évoque aussi cette manière dont le pain eucharistique fait de nos vies des vies données où nous devons faire fructifier tous nos talents afin de permettre à tout être humain d’avoir de quoi manger à tous les niveaux. Et Dieu sait combien il a besoin de tous nos dons pour y arriver avec nous.
Voilà ce à quoi nous sommes appelés afin de vivre chaque eucharistie dans son véritable horizon : en nous révélant son plus grand amour, Dieu nous sauve et nous appelle en Eglise à une mystérieuse fécondité.