La Sainte Famille
Nous sommes dans le temps des fêtes de familles. Certains sont partis rejoindre leurs familles (il suffit de regarder toutes les stalles vides !), d’autres sont venus ici les retrouver (et nous avons la joie de les rencontrer). C’est le moment où nous expérimentons particulièrement le bienfait qu’est la famille. Soit que nous l’expérimentons en vivant ces temps dans la joie des retrouvailles, soit que nous l’expérimentions en souffrant de ne pas avoir de famille ou d’avoir des désunions dans notre famille.
Dans un cas comme dans l’autre, nous nous rendons compte qu’il y a toujours des ombres. La famille parfaite n’existe pas en dehors des photos du catalogue Cyrillus. Ça ne sert à rien de baver d’envie devant telle ou telle famille sur le banc d’à-côté, même si elle a l’air si bien. Dans chaque famille – une fois qu’on la connait bien – on découvre tel ou tel point qui cloche.
La seule famille parfaite, c’est la Sainte-Famille. Sans doute que c’est une famille un peu particulière : en général, dans une famille la mère n’est pas conçue immaculée et le fils n’est pas le Verbe Incarné conçu virginalement… Mais, malgré sa singularité, la Sainte-Famille peut être prise comme modèle. Ce qui est exemplaire dans cette famille, c’est la façon dont chacun prend sa place, c’est cela que nous pouvons chercher à imiter.
Commençons par observer S. Joseph : il prend soin de ces deux vies qui lui ont été confiées par Dieu : celle de Marie et celle de Jésus. Comment S. Joseph prend-t-il soin de sa famille ? Pas seulement par son travail. S. Joseph ne sacrifiera pas sur l’autel du travail le temps passé avec Marie et Jésus. Il est présent à eux. Il ne cherche pas sa vie ou son accomplissement personnel sans sa famille.
S. Joseph prend aussi soin de sa famille en ne négligeant pas sa prière personnelle. C’est cette attention à Dieu qui lui permet d’entendre la voix de l’ange. Et plus encore : S. Joseph se soumet au Seigneur et exécute ce qu’il lui a dit de faire. Dieu dit : « Va en Égypte » et il y va. Dieu dit : « Reviens au pays d’Israël » et il revient.
Et la Vierge Marie, elle, que fait-elle ? Elle suit ce que dit S. Joseph. « Nous partons en Égypte », elle part. « Nous rentrons en pays d’Israël », elle rentre. Elle pourrait dire : « C’est moi la Vierge Marie conçue immaculée, je décide ! » Mais non, elle fait confiance à S. Joseph et à son discernement. Elle fait confiance au fait qu’il peut aussi être éclairé par Dieu et elle se soumet à sa décision. Ah, la voilà cette fameuse soumission dont parle S. Paul ! Mesdemoiselles et mesdames, avant d’être choquées par ces quelques mots, comprenons bien de quoi il s’agit.
S. Paul s’adresse à des couples de chrétiens. À des couples dans lesquels le mari – à l’image de S. Joseph – se soumet à Dieu. Et cette soumission de l’homme à Dieu, comme la soumission de la femme à son mari n’est pas une soumission servile, comme un esclave. C’est une soumission d’amour. L’amour est une forme de soumission car l’amour fait rechercher le bien de l’être aimé, il prend l’autre comme référence.
Comment l’épouse peut-elle vivre cette soumission ? Comme l’a fait la Vierge Marie : elle se met sous la protection de son mari et elle place aussi les enfants sous la protection du père. C’est en faisant ainsi qu’elle fait exister l’homme comme père de famille. Et c’est ainsi qu’elle fixe l’homme dans sa famille, qu’elle l’aide à ne pas chercher sa vie et son accomplissement ailleurs ou sans sa famille.
C’est vrai aussi que la femme ne peut vraiment se soumettre à son mari que si son mari l’aime. S’il est prêt à se livrer pour elle. Pour S. Paul, ces deux relations ne sont envisagées que dans leur réciprocité. Amour et soumission. Soumission et amour. Pas l’une sans l’autre. L’homme ne peut pas faire l’économie de chercher à comprendre sa femme, de rentrer dans son rythme. C’est cela que S. Paul désigne quand il demande au mari de ne pas marquer d’aigreur envers sa femme.
Pour compléter le tableau, il faudrait dire un mot sur les enfants… L’objectif d’une famille, c’est que les enfants grandissent jusqu’à dépasser leurs parents. Les enfants accomplis ce ne sont pas seulement ceux qui, à leur tour, deviennent parents et éduquent des enfants. L’accomplissement d’un enfant, c’est aussi d’aller jusqu’à jouer un rôle de tuteur ou de parent pour ses propres parents, comme l’évoquait déjà Ben Sira le sage et comme certains le vivent avec leurs vieux parents.
Pour arriver à ces enfants accomplis, il faut qu’ils aient recueilli tout l’héritage spirituel de leurs parents. Le problème c’est qu’ils ne savent pas quelle grandeur c’est tant qu’ils n’y ont pas gouté. Et on doit déployer des trésors de patience pour leur faire commencer un chemin, pour les mettre dans la bonne voie avant qu’ils n’expérimentent eux-mêmes que c’est la bonne. Les faire entrer dans la confiance, quel travail ! Alors, vous les enfants, aidez vos parents en entrant dans cette confiance, en ayant confiance en eux, en ayant confiance qu’ils veulent votre bien.
Enfin, pour conclure, je dois ajouter une note importante : on ne présente pas ces modèles pour donner des idées de réflexions à faire aux autres (du genre : « le frère il a dit que tu devais faire cela… »). Ce serait pire que tout. Non. On reçoit chacun son modèle à imiter et on essaye de mettre en pratique la parole que le Seigneur nous adresse. Et si on connait le modèle que les autres membres de la famille ont à imiter, c’est pour les aider à s’accomplir et pour attendre la bonne chose de lui.