Prier pour les défunts
Frères et Sœurs
Ecouter la Parole de Dieu et prier pour les défunts comme nous y invite la liturgie de ce jour, nous remet en face de notre destinée et nous fait pratiquer la charité fraternelle envers ceux qui ont besoin des prières de toute l’Eglise.
Ces textes bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament que nous venons d’entendre, nous rappellent l’intégralité de notre condition humaine : celle de notre vie actuelle en ce monde et celle de notre vie future dans le Royaume de Dieu.Ces passages de l’Ecriture nous apportent cette lumière de Dieu qui nous révèle ce que nous sommes et nous permet donc de nous comprendre nous-mêmes : nous sommes de merveilleuses créatures humaines dont Dieu a fait ses enfants en Jésus-Christ.
Sans cet éclairage venu d’en Haut, on ne peut pas se connaitre soi-même, on est dans l’ignorance au sujet de notre vie et de notre mort, de notre présent et de notre avenir, et le risque est grand alors de voir de l’obscurité et de l’absurde là où la Révélation divine a mis tant de lumière et d’intelligibilité.
Le philosophe grec disait : « Connais-toi, toi-même » : il avait bien raison d’inviter à cette recherche, mais pouvait-il soupçonner que Dieu seul peut parfaitement « sonder les reins et les cœurs » et que lui seul peut expliquer aux humains leur destinée, lui qui est « Le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible ». Nos âmes font partie de ces réalités invisibles qui ne trouvent qu’en Dieu le pourquoi de leur immortalité.
Les connaissances psychologiques font toujours de grandes enquêtes sur la nature humaine, sur la psyché, « l’âme humaine », mais elles restent toujours à la surface du mystère de la destinée humaine et elles ne peuvent répondre aux interrogations posées par les psaumes : « Seigneur qu’est-ce donc que l’homme, que tu le connaisses, l’être humain que tu penses à lui ? » (Ps 144, 3), « Qu’est donc le mortel, que tu t’en souviennes, le fils d’Adam, que tu veuilles le visiter ? » (Ps 8, 5). En ce jour, puissions-nous tendre l’oreille, ouvrir notre cœur et notre intelligence à tout ce que nous dit le prophète Isaïe, bien comprendre le message de saint Paul et recevoir de Jésus lui-même le seul enseignement d’anthropologie qui soit exhaustif, car« de tout être il était la vie et la vie est la lumière des hommes » (Jean, 1, 4).
C’est dans l’enseignement du Christ et de l’Eglise que nous trouvons « la lumière d’une vision intégrale de l’homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle », pour reprendre des paroles du Bienheureux pape Paul VI.
Un prophète, comme Isaïe,c’est quelqu’un qui estsoulevé par l’Esprit Saint au-dessus de lui-même pour parler de la part de Dieuet expliquer les réalités de ce monde : ici,message d’Isaïe est bouleversant :
« Le Seigneur détruira la mort pour toujours ».
De cette destruction de la mort, saint Paul en est aussi l’annonciateur, cette suppression de la mort qui se réalise dans la Résurrection du Christ et, un jour dela nôtre :
« Il faut que ce qui est périssable en nous devienne impérissable ; il faut que ce qui est mortel revête l’immortalité », et ce sera alors la victoire de la vie sur la mort : « La mort a été engloutie dans la victoire :
O Mort, où est ta victoire ? »
Ce message triomphal, la liturgie byzantine ne cesse de le chanter au temps de Pâques : « Le Christ s’est levé d’entre les morts, il a écrasé la mort par sa mort et il a donné de la vie à ceux qui étaient dans les tombeaux ».
La résurrection de Jésus fut un renversement complet de situation, un bouleversement imprévisible pour la pensée humaine ; Jésus après avoir mis fin à sa propre mort,a préfiguré et annoncé notre propre résurrection, ce que rappelle saint Paul aux Colossiens :
« Il est le premier né d’entre les morts » (Col, 1, 18)
Désormais notre vie est une vie avec Jésus ressuscité qui est devenu pour nous, source d’éternité : il est « le pain vivant descendu du Ciel », et ce pain mangé fait de nous les convives du repas du Seigneur.
Deux réalités symboliques de l’Ancien Testament ont été portées par Jésus à la plénitude de leur signification ;ce sont les sacrifices offerts au Temple de Jérusalem et le don de la manne au désert.
Il y avait au temps de l’Ancienne Alliance, au Temple de Jérusalem, un rituel de sacrifices d’animaux que l’on offrait sur l’autel pour implorer le pardon du Seigneur pour les péchés du peuple ; les fidèles pouvaient manger un peu de la chair de ces animaux immolés, dont le sang servait à faire des aspersions purificatrices.
Quant à l’auteur de l’épître aux Hébreux, il montre que ces sacrifices étaient incapables de mériter le pardon de Dieu :
« Le sang de taureaux et de boucs est impuissant à enlever les péchés. C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation, mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as voulu ni holocaustes, ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je viens…pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 4-7).
Il fallut donc attendre le sacrifice du Christ, l’agneau de Dieu immolé sur l’autel de la Croix, dont le corps fut livré à des bourreaux et dont le sang fut versé pour le rachat des péchés du monde.
Pour faire de nous ses frères et ses sœurs et nous ramener à son Père et notre Père, Jésus s’est donné lui-même en nourriture : son corps et son sang, aujourd’hui glorifiés, nous ouvrent dès maintenant le chemin qui conduit à une totale résurrection.
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour. En effet ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson ».
C’est pour cela qu’à chacune de nos célébrations eucharistiques, de nos Messes, nous réalisons cette volonté du Christ à notre égard : « Prenez et mangez… prenez et buvez… »
Le deuxième symbole biblique évoqué dans l’évangile,et que Jésus a amené à la plénitude de sa signification, c’est celui de la manne. La manne, c’était cette nourriture terrestre et mystérieuse qui permit aux Hébreux de tenir bon à travers le désert dans leur marche vers la terre promise, comme le rappelle le psaume :Au désert « pour les nourrir le (Seigneur) fit pleuvoir la manne » (Ps 78, 24) : Ce à quoi Jésus a ajouté : « Mais ils sont morts ».
C’est alors que Jésus a révélé un Pain qui est à un autre niveau, un pain qui seul peut donner la vie éternelle, le « Pain Vivant » qui descend d’auprès de Dieu, car « en lui était la vie » :
« Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ».
Ce nouveau pain, c’est son corps livré pour nous : le recevoir c’est accueillir notre salut éternel. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi, je demeure en lui ».
Notre prière pour nos frères et nos sœurs défunts nous met au cœur du mystère de l’eucharistie, de la messe, par laquelle nous offrons au Père le sacrifice réalisé par son Fils en notre faveur.
L’eucharistie, qui est offerte par les prêtres du monde entier « pour les vivants et pour les morts », nous nous met aussi au cœur du mystère de l’Eglise qui est à tout à la fois « triomphante » dans le Ciel, « militante » sur cette terre et « souffrante » en purgatoire.
L’Église, par la célébration de ce jour et par l’enseignement du Catéchisme,nous rappelle la signification et l’importance de notre prière pour les défunts :
De tous temps « l’Eglise a honoré la mémoire des défunts et offert des suffrages en leur faveur, en particulier le sacrifice eucharistique afin que purifiés, ils puissent parvenir à la vision béatifique de Dieu » (1032).
Cette possibilité de parvenir à cette vision de Dieu manifeste la véritable anthropologie chrétienne qui nous fait regarder la mort, non comme un terme, mais comme un passage, comme l’entrée dans une Vie véritable et définitive : c’est ce que saint Paul rappelle aux Thessaloniciens :
« Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez ignorants au sujet des morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. Puisque nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, de même ceux qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui » (I Th 4, 13-14).
C’est aussi cette joie pour nous de savoir que nous reverrons un jour, tous ceux qui nous été chers en cette vie et que nous verrons alors aussi tous les saints du Paradis, à commencer par la Vierge Marie : « J’irai la voir un jour… J’irai les revoir un jour ».
Frères et Sœurs, vivons cette journée de prière et d’intercession pour les défunts,dans une vraie charité fraternelle avec la ferme espérance que le Seigneur nous donnera, par les mérites de Jésus Christ, sa grâce en ce monde et à nous comme à tous les défunts le bonheur éternel dans l’autre.
Amen