Jésus-Eucharistie
La première fois que je célébrai la messe il a fallu que je pose un double acte de foi devant le Saint Sacrement : le premier portait sur la présence réelle du Christ, tout comme chacun de nous le fait ; le second portait sur le fait que ce soit par mon intermédiaire que cette présence ait été rendue possible. Et je vous assure ce n’est pas facile à admettre…
L’objet de notre foi
La foi est au cœur du mystère eucharistique. Et nous croyons simplement ce que Jésus dit. « L’œil, le toucher, le goût restent dans l’erreur, sur l’oreille seule est fondée la foi » rappelle saint Thomas dans le chant adoro te devote. Que dit Jésus ? : « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang ». Tout comme sa parole est efficace par ailleurs – quand il dit à l’aveugle vois, il voit – Il est opéré une même parole efficace sur le pain tenu dans ses mains. L’apparence du pain est conservée, mais la substance du pain a changé. Ce n’est plus une substance de pain qui tient l’hostie dans l’existence, mais la substance divine elle-même. Quand donc, avec Charles de Foucauld et tant de saints, nous passons du temps devant le Saint Sacrement, en adoration, nous ne regardons pas un symbole de Jésus qui ferait de nous des idolâtres, mais nous regardons, en l’atteignant par la foi, ce que voient les anges et les saints face à face : le Verbe lui-même, qui s’est fait chair, qui est né de la Vierge, qui a marché en Galilée, qui est mort, selon sa modalité sacramentelle, sous l’espèce du pain. Ce que nos yeux voient sur l’autel après la consécration contient le corps du Christ. Je vous invite donc au moment de l’élévation tout à l’heure à ne pas baisser les yeux, mais à regarder le Verbe qui se manifeste.
La crainte de Dieu
Cette présence réelle de Dieu dans nos églises et sur l’autel ne doit pas nous laisser sans une forme de crainte (au sens d’un profond respect envers la grandeur de Dieu). Vivre cette crainte de Dieu en présence de l’eucharistie est une expérience spirituelle qu’il est bon de faire au moins une fois dans sa vie pour mieux comprendre ce qui est devant nous). Crainte devant la lumière divine exposée à nos yeux qui contrastent avec la pâleur du monde, et l’âpre noirceur de notre péché. Crainte également devant la puissance de Dieu : le Verbe qui a dit aux soldats « je suis », et à l’écoute duquel ils se sont effondrés, est le même à la messe. Voilà pourquoi le prêtre fait si souvent la génuflexion devant le Saint Sacrement, voilà pourquoi il est proposé aux fidèles de se mettre à genou au cours de la messe, ou de recevoir à genou le Saint Sacrement. Cette génuflexion marque notre adoration devant le Dieu présent dans l’hostie.
Amour divin pour nous
Je ne terminerai cependant pas mon homélie sur la crainte de Dieu, mais sur l’eucharistie comme « sommet de la charité ». À l’autel le corps du Christ est séparé du sang du Christ comme lors de la Passion de Jésus. La messe rend en effet « présente » la Passion du Christ, d’une manière non sanglante mais réellement. Lors de la messe, devant mes yeux est re-présenté le sacrifice de Jésus à la Croix. C’est pour cette raison que l’Eucharistie est le sommet de la charité, puisque c’est par amour pour nous que Jésus est mort sur la Croix et que l’Eucharistie est le sacrement de ce don. Cette eucharistie, Jésus veut que nous la mangions, que nous y communiions, et qu’ainsi nous vivions charnellement en union avec ce Corps vivant et divin qui se donne. « Qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui » (Jn 6, 51-56). Et si nous ressortons si apaisés après la messe, c’est bien parce que nous avons communié à cet amour ineffable.
Grâce à cette institution magnifique de l’Eucharistie Jésus bâtit siècle après siècle son Corps, sans contrainte de temps et d’espace (nous l’avons vu dans l’Évangile). A tous ceux qui s’unissent à lui avec dévotion et pureté il communique son salut éternel. « Qui mange de ce corps et boit à cette coupe a la vie éternelle ». Ainsi ne formons-nous, à la fin de la messe, plus qu’un seul Corps, où, comme des époux nous avons été unis charnellement à la personne du Verbe.
Eh bien en cette fin d’homélie je m’exclamerai simplement : « que de grâces, que de grâces ».