L’humilité
« Maman, Papa, c’est décidé, cette année, de la classe je serai le dernier ». Il n’est pas sûr que cette résolution scolaire ravisse des parents. Pour peu que cela se passe à la veille de la rentrée alors que ces derniers sont exténués après les vacances, il est même possible que plusieurs sentiments s’entremêlent dans leurs esprits. Si, sur ces mots, l’enfant rajoute un motif spirituel, « c’est pour grandir en humilité », la coupe risque d’être pleine. Rassurons-nous, le cas n’est pas fréquent. Le désir d’humilité arrive davantage à un orgueilleux repenti qui possède une certaine expérience de la vie.
Mais le Christ ne nous instruit pas sur un désir d’humilité, une réaction sentimentale après un regret de mots ou d’actes exprimant le mépris face à notre conjoint, à nos proches. Il nous apprend à vouloir être humble. C’est plus profond, plus nécessaire aussi. L’humilité, condition nécessaire pour aimer, nous laisser aimer, pour être heureux, être saint. L’enfer peut être peuplé de personnes généreuses ou chastes mais aucun humble n’y entrera. L’humilité est cette porte étroite qui ouvre à notre mort le Ciel, qui ouvre sur cette terre le Cœur miséricordieux de notre Dieu.
Nous qui sommes appelés à une communion intime avec le Seigneur, appelés à vivre de ce feu avec ceux qui nous entourent, au cœur de notre quotidien, sommes donc appelés à l’humilité. Et, puisqu’il nous faut en vivre, laissons le Seigneur, doux et humble de cœur, nous instruire. Il nous a révélé ce que c’est, pourquoi c’est fait et ce qu’il convient de faire.
Ce que c’est : un remède. Tous, parents ou non, adultes ou enfants, apprenons de la fragilité de notre corps que notre âme en comporte aussi. Et sa fragilité la plus grande consiste en l’orgueil, cet amour démesuré de soi-même qui coupe notre confiance en Dieu, ce « lion cherchant qui dévorer » dirait saint Paul. Derrière chaque péché, chaque acte nous rendant moins bon, moins fort, se trouve la matrice de l’orgueil, la préférence de soi. Un peu comme le dessin animé Raiponce : la jeune princesse, enfermée, ne pense qu’à s’enfuir et sa prétendue mère qui l’avait enlevé petit enfant entonne alors sa chanson : n’écoute que ta mère, n’écoute que moi. Sans réaliser la chorégraphie, il est facile de deviner que ce n’est pas ajusté. Nous entendons souvent cette voix intérieure disant « n’écoute que moi ». Elle se manifeste de deux façons soit que l’on cherche à vivre que pour soi, écrasant toute contrariété : c’est le plus simple à repérer, lorsque nous disons « au fond, c’est moi qui ai raison » ou accusons l’autre en permanence de tous les torts. Soit, plus subtile, lorsque nous cherchons à vivre que par soi, voulant se construire seul, refusant l’aide des autres, lorsque un « merci » devient couteux. Tel est l’orgueil du démon : il sait qu’il n’est pas Dieu mais il veut absolument être heureux sans Dieu. Ce qui provoque le malheur dans lequel il persiste.
Puisque cette fragilité se présente au quotidien, il nous est utile de la démasquer. A condition que le remède soit bien adapté. Car l’humilité n’est pas le dénigrement de soi ou la recherche continuelle de petites choses. Elle est cette force en nous que nous entretenons à chaque fois que nous reconnaissons pécheur et sauvé, au début de la Messe, avant de recevoir le Corps du Sauveur, à chaque fois que nous adorons, lorsque que nous posons le genou à terre à la Consécration ou au confessionnal où Dieu veut nous relever. A chaque sacrement, à chaque prière, à chaque merci, pardon, en famille, en communauté, entre amis, l’humilité fortifie notre âme à reconnaitre en Dieu celui à qui nous devons absolument tout, « la vie, la croissance, l’être », à reconnaitre en mon prochain celui qui est appelé au même bonheur et au même salut que moi, à qui Dieu veut aussi donner sa grâce. L’humilité, remède de notre regard sur nous-même, sur les autres, sur Dieu.
Et ce pourquoi c’est fait : l’humilité est un fondement. Comme la pierre de fondation, invisible, peu considérée ou admirée, et absolument nécessaire pour soutenir toute la structure, l’humilité est appelée à envelopper chacune de nos bonnes actions, de nos services, de nos paroles. Ben Sira le Sage nous exhorte : « accomplis toute chose dans l’humilité ». Et, cela dans la recherche de l’excellence « plus tu es grand, plus il faut t’abaisser ». En effet, l’humilité, ce n’est pas vouloir des petites choses, c’est la manière de vouloir de grandes choses. Nous sommes faits pour de grandes choses, pour l’excellence sans prix de ce qu’il y a de plus profond en nous : notre capacité d’aimer à la mesure de Dieu, cette grâce donnée à notre baptême. Jean-Paul II s’était écrié : France, qu’as-tu de ton baptême ? Et nous-mêmes, qu’avons-nous fait de notre baptême, de cette vie divine qui coule en nous et qui demande à s’enraciner dans toute notre vie ?
Car oui, ce baptême a plongé notre âme dans la Jérusalem Céleste que nous décrit si bien la lettre aux Hébreux. Vivre le cœur au Ciel et les pieds sur terre, à la manière de notre Seigneur, nous comme ses fils adoptifs du Père, vivant du même Esprit : voici notre vie aux yeux de la foi. Nous n’avons pas d’autre ambition ou revendication que de vivre notre baptême à pleins poumons spirituels. L’humilité, fondement de notre vie dans et par l’Esprit.
Et maintenant que faire ? Constatons le Seigneur ne réprimande pas le fait de chercher à être élevé mais à s’élever par soi-même ; le fait de recevoir une récompense pour de bonnes actions mais de chercher une compensation. En effet, ce qui est digne d’éloge, en nos vies comme dans la vie des autres, doit être reconnu : cela est juste, cela est bon. Bon de reconnaitre la joie que l’on peut donner, le service que l’on peut rendre et de saisir l’occasion de remercier le Christ qui nous a la grâce de l’accomplir. L’humble aime reconnaitre ce qui est bien, sans gloriole et sans fausse modestie. Première chose à faire cette semaine : reconnaitre le bien de nos vies, dans celles d’autrui. Ensuite, chercher la dernière place comme nous l’invite le Christ c’est-à-dire à agir dans la discrétion, évitant toute vantardise, et, plus difficile, accepter intérieurement la difficulté, l’échec, ou notre humiliation du jour, en refusant de se justifier et, même, en consentant à la part de vérité qu’une parole énonce. Alors nous serons élevés, non aux yeux des hommes, mais pour Dieu, car nous nous sommes faits petits par amour et pour aimer. Enfin, donner gratuitement, de ses biens, de son temps, de son sourire, à celui qui ne pourra jamais en faire autant pour nous, qui ne le remarquera peut-être pas. Comme Sainte Thérèse s’efforçant d’aimer, voulant aimer – et c’est déjà de l’amour- la sœur avec qui elle avait naturellement plus de difficulté et qui, par suite, croyait être sa préférée. Il nous faut chercher celui et celle qui nous entoure et qui ne pourra jamais nous rendre la pareille. C’est ainsi que nous apprenons à aimer à nous donnant de plus en plus, de mieux en mieux, sans regarder à son avantage.
Chercher la dernière place, oui. Non par fausse humilité mais par souci d’aimer. A cette place, nous retrouverons le Christ. Jésus a tellement pris la dernière place que personne n’a pu le lui ravir. Cherchons donc cette dernière place pour Le chercher, Lui, en qui se trouve toute notre vie, toute notre préférence.
Mais le Christ ne nous instruit pas sur un désir d’humilité, une réaction sentimentale après un regret de mots ou d’actes exprimant le mépris face à notre conjoint, à nos proches. Il nous apprend à vouloir être humble. C’est plus profond, plus nécessaire aussi. L’humilité, condition nécessaire pour aimer, nous laisser aimer, pour être heureux, être saint. L’enfer peut être peuplé de personnes généreuses ou chastes mais aucun humble n’y entrera. L’humilité est cette porte étroite qui ouvre à notre mort le Ciel, qui ouvre sur cette terre le Cœur miséricordieux de notre Dieu.
Nous qui sommes appelés à une communion intime avec le Seigneur, appelés à vivre de ce feu avec ceux qui nous entourent, au cœur de notre quotidien, sommes donc appelés à l’humilité. Et, puisqu’il nous faut en vivre, laissons le Seigneur, doux et humble de cœur, nous instruire. Il nous a révélé ce que c’est, pourquoi c’est fait et ce qu’il convient de faire.
Ce que c’est : un remède. Tous, parents ou non, adultes ou enfants, apprenons de la fragilité de notre corps que notre âme en comporte aussi. Et sa fragilité la plus grande consiste en l’orgueil, cet amour démesuré de soi-même qui coupe notre confiance en Dieu, ce « lion cherchant qui dévorer » dirait saint Paul. Derrière chaque péché, chaque acte nous rendant moins bon, moins fort, se trouve la matrice de l’orgueil, la préférence de soi. Un peu comme le dessin animé Raiponce : la jeune princesse, enfermée, ne pense qu’à s’enfuir et sa prétendue mère qui l’avait enlevé petit enfant entonne alors sa chanson : n’écoute que ta mère, n’écoute que moi. Sans réaliser la chorégraphie, il est facile de deviner que ce n’est pas ajusté. Nous entendons souvent cette voix intérieure disant « n’écoute que moi ». Elle se manifeste de deux façons soit que l’on cherche à vivre que pour soi, écrasant toute contrariété : c’est le plus simple à repérer, lorsque nous disons « au fond, c’est moi qui ai raison » ou accusons l’autre en permanence de tous les torts. Soit, plus subtile, lorsque nous cherchons à vivre que par soi, voulant se construire seul, refusant l’aide des autres, lorsque un « merci » devient couteux. Tel est l’orgueil du démon : il sait qu’il n’est pas Dieu mais il veut absolument être heureux sans Dieu. Ce qui provoque le malheur dans lequel il persiste.
Puisque cette fragilité se présente au quotidien, il nous est utile de la démasquer. A condition que le remède soit bien adapté. Car l’humilité n’est pas le dénigrement de soi ou la recherche continuelle de petites choses. Elle est cette force en nous que nous entretenons à chaque fois que nous reconnaissons pécheur et sauvé, au début de la Messe, avant de recevoir le Corps du Sauveur, à chaque fois que nous adorons, lorsque que nous posons le genou à terre à la Consécration ou au confessionnal où Dieu veut nous relever. A chaque sacrement, à chaque prière, à chaque merci, pardon, en famille, en communauté, entre amis, l’humilité fortifie notre âme à reconnaitre en Dieu celui à qui nous devons absolument tout, « la vie, la croissance, l’être », à reconnaitre en mon prochain celui qui est appelé au même bonheur et au même salut que moi, à qui Dieu veut aussi donner sa grâce. L’humilité, remède de notre regard sur nous-même, sur les autres, sur Dieu.
Et ce pourquoi c’est fait : l’humilité est un fondement. Comme la pierre de fondation, invisible, peu considérée ou admirée, et absolument nécessaire pour soutenir toute la structure, l’humilité est appelée à envelopper chacune de nos bonnes actions, de nos services, de nos paroles. Ben Sira le Sage nous exhorte : « accomplis toute chose dans l’humilité ». Et, cela dans la recherche de l’excellence « plus tu es grand, plus il faut t’abaisser ». En effet, l’humilité, ce n’est pas vouloir des petites choses, c’est la manière de vouloir de grandes choses. Nous sommes faits pour de grandes choses, pour l’excellence sans prix de ce qu’il y a de plus profond en nous : notre capacité d’aimer à la mesure de Dieu, cette grâce donnée à notre baptême. Jean-Paul II s’était écrié : France, qu’as-tu de ton baptême ? Et nous-mêmes, qu’avons-nous fait de notre baptême, de cette vie divine qui coule en nous et qui demande à s’enraciner dans toute notre vie ?
Car oui, ce baptême a plongé notre âme dans la Jérusalem Céleste que nous décrit si bien la lettre aux Hébreux. Vivre le cœur au Ciel et les pieds sur terre, à la manière de notre Seigneur, nous comme ses fils adoptifs du Père, vivant du même Esprit : voici notre vie aux yeux de la foi. Nous n’avons pas d’autre ambition ou revendication que de vivre notre baptême à pleins poumons spirituels. L’humilité, fondement de notre vie dans et par l’Esprit.
Et maintenant que faire ? Constatons le Seigneur ne réprimande pas le fait de chercher à être élevé mais à s’élever par soi-même ; le fait de recevoir une récompense pour de bonnes actions mais de chercher une compensation. En effet, ce qui est digne d’éloge, en nos vies comme dans la vie des autres, doit être reconnu : cela est juste, cela est bon. Bon de reconnaitre la joie que l’on peut donner, le service que l’on peut rendre et de saisir l’occasion de remercier le Christ qui nous a la grâce de l’accomplir. L’humble aime reconnaitre ce qui est bien, sans gloriole et sans fausse modestie. Première chose à faire cette semaine : reconnaitre le bien de nos vies, dans celles d’autrui. Ensuite, chercher la dernière place comme nous l’invite le Christ c’est-à-dire à agir dans la discrétion, évitant toute vantardise, et, plus difficile, accepter intérieurement la difficulté, l’échec, ou notre humiliation du jour, en refusant de se justifier et, même, en consentant à la part de vérité qu’une parole énonce. Alors nous serons élevés, non aux yeux des hommes, mais pour Dieu, car nous nous sommes faits petits par amour et pour aimer. Enfin, donner gratuitement, de ses biens, de son temps, de son sourire, à celui qui ne pourra jamais en faire autant pour nous, qui ne le remarquera peut-être pas. Comme Sainte Thérèse s’efforçant d’aimer, voulant aimer – et c’est déjà de l’amour- la sœur avec qui elle avait naturellement plus de difficulté et qui, par suite, croyait être sa préférée. Il nous faut chercher celui et celle qui nous entoure et qui ne pourra jamais nous rendre la pareille. C’est ainsi que nous apprenons à aimer à nous donnant de plus en plus, de mieux en mieux, sans regarder à son avantage.
Chercher la dernière place, oui. Non par fausse humilité mais par souci d’aimer. A cette place, nous retrouverons le Christ. Jésus a tellement pris la dernière place que personne n’a pu le lui ravir. Cherchons donc cette dernière place pour Le chercher, Lui, en qui se trouve toute notre vie, toute notre préférence.