En un mot : aimons !

par 6 Sep 20202020, Homélies, Temps Ordinaire

fr_marie-philippe
Il était une fois un petit garçon, passionné par l’étude. Parents, ne souriez pas, cela peut arriver ! Attendant la rentrée avec impatience, assoiffé de connaissance, il voulait savoir ce qui était à l’origine de toute chose. Devant un tel désir, les parents lui dirent : « va voir grand-père, il a beaucoup lu et pourra te répondre. » Alors le petit garçon partit, traversa forêts et villages. Puis il se retrouva devant une grande maison. Il passa de pièce en pièce, chacune comportant une immense bibliothèque. A la dernière salle, se trouvait une longue table et au bout, sur un fauteuil, le grand père. Impressionné, le petit garçon s’approcha de lui et lui posa LA question : Grand-père, quel est le secret de l’univers ? Le secret de l’univers … c’est … j’aurais dû le noter !
 
Pauvre grand-père, tant d’efforts dépensés ! Il lui aurait suffi d’ouvrir d’un livre, celui du Maitre de la Vie, pour répondre : l’Amour. Sans l’Amour, rien ne s’explique. C’est par amour que Dieu a créé. Par amour, le Père envoya le Fils sur notre terre, il mourut et ressuscita, nous ouvrant les portes du Ciel à l’Ascension. Par amour, il fonda l’Église, institua les sacrements, donna le sens unique de l’existence et de la Loi. A notre tour, ce qui n’est pas fait par amour est irrémédiablement perdu. Au contraire, ce qui est fait par amour de Dieu et du prochain prend une profondeur divine, une valeur d’éternité.
 
Mes frères, à l’heure où les enfants entrent à l’école, à nous d’entrer ! Où ? Dans la vie de Dieu. Comment ? En aimant nos frères. Et aimer implique de vivre, suivre, se réunir.
Aimer, c’est vivre. Chaque action de nos vies exprime ce désir lancinant : Vivre. Nous voulons vivre pleinement c’est-à-dire à la mesure de ce qu’il y a de plus intime en nous, de notre âme. N’est-ce pas incroyable ? Tant d’efforts pour muscler son corps voué à la poussière ou conserver temporairement la santé et si peu pour vivifier notre âme. Or, celle-ci réclame, avec plus d’insistance que notre estomac gargouillant le soir, sa nourriture. Cette dernière est spirituelle et céleste. Elle se trouve pour nous en Jésus Christ, se donnant chaque dimanche dans l’Eucharistie. Oui, sans l’Eucharistie, sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre. Ce cri a été lancé en 304 en Tunisie par des chrétiens surpris en pleine messe, malgré l’interdit. Car ces martyrs savaient que le dimanche n’était pas un jour comme les autres auquel il fallait ajouter la messe. C’est le jour du Seigneur, le Seigneur des jours ! Donnant sens à l’histoire et au temps ! Le dimanche a une âme : célébrer Jésus Ressuscité, Vie divine devant laquelle la mort a plié le genou. Il convient de donner à l’âme son dimanche, passer de l’amour de cette vie à l’amour de la vie du Ressuscité, de la vie éternelle, renforcé en chaque eucharistie, à l’amour de Celui qui est Vie. Ainsi, pour ne pas mourir, attachons-nous solidement à Celui qui ne mourra jamais. Oui, le dimanche nous fait vivre : pas seulement nous humanise, par notre temps de détente ou de repos, mais nous divinise, nous fait entrer dans la vie de Dieu pour aimer nos frères. Ces deux mouvements donnent tout son sens au dimanche. Un dimanche sans messe et sans se rapprocher d’une manière ou d’autre de mes frères, est perdu, irrémédiablement perdu. Aimer, c’est vivre. Mais à hauteur de Dieu.
 
Or, nous pouvons vivre de Dieu sans Le suivre. Car aimer, c’est aussi poser nos pas dans les siens. Suivre les indications pour notre pèlerinage terrestre, suivre les commandements. « Celui qui m’aime garde mes commandements » écrit saint Jean. Or, cette vérité ne convient pas seulement vis-à-vis de Dieu mais se complète dans l’amour du prochain. Car, au fond, de même que nous allons à la messe le dimanche, que nous nous confessons, que nous communions, de même s’il nous est demandé de ne pas tuer, de ne pas désirer les biens ou la femme d’autrui, de ne pas voler, de ne pas mentir, je vais peut-être vous surprendre, mais c’est pour aimer. Tous les commandements sont au service de cette Loi d’amour. Comme pour tous les saints, l’amour qui brûle ou non notre âme se voit dans l’amour que nous avons pour nos frères, pour nos proches, pour les plus faibles. Nous serons toujours endettés vis-à-vis de notre prochain car il réclame, avec justice, la bienveillance qui provient d’un cœur uni à Dieu. Car l’amour ne fait aucun mal. Voilà ce qu’écarte la Loi : le mal que nous pouvons faire aux autres.
 
Mais pour aimer, il ne suffit pas de s’abstenir du mal en suivant les commandements du Seigneur. C’est chercher à ne faire qu’un cœur en Dieu. Oui, aimer, c’est être réuni par Dieu, se réunir au nom du Seigneur. Car la charité ne se conjugue qu’au pluriel. Or, cela frotte. Autant demandons-nous l’indulgence pour nos imperfections, autant les défauts des autres ou de nos sociétés tendent à prendre toute la place à nos yeux, voire à devenir une poutre. C’est là que s’exprime la correction chrétienne, conséquence logique de l’amour. Elle indique le mal mais elle ne juge pas, action réservée à Dieu. Elle voit le problème mais ne l’envisage pas sans solution. Elle sait qu’elle peut compter, au besoin, de l’aide des autres, de l’aide de l’Église. Si nous ne le faisons jamais, c’est que nous n’aimons pas assez. Car la charité est une symphonie. Elle demande que chaque instrument, chacun de nous, soit accordée tant au chef d’orchestre qu’avec l’ensemble. Cela se réalise lorsque nous nous demandons pardon, lorsque nous confions les autres à Dieu, lorsque nous cherchons à prier d’un seul cœur et même parfois d’une seule voix.
 
Mes frères, mes sœurs, voici l’invitation de notre rentrée : que notre regard sur l’hostie vivante soit de plus en plus amoureux, dimanche après dimanche ; que notre compréhension sur les commandements se fasse à la lumière de l’amour, que notre regard sur nos proches, sur tout être, ne se fasse plus sans Dieu. Comme le petit garçon, cherchons à pénétrer le mystère de l’Amour dont toute chose est faite. Comme saint Paul et Ézéchiel nous le recommandent, amenons sans complexe nos frères au Christ, avec simplicité et confiance en Dieu.
 
En un mot, aimons. Non pas en paroles mais en acte et en vérité. Dans nos maisons, dans nos églises, nos écoles et nos entreprises, dans la fatigue et la joie, dans l’épreuve et la croix. Cette vie, cette rentrée passera. La vie divine, la charité ne passera jamais. Que ce soit notre joie en ce jour bienheureux : nous ne finirons jamais d’être aimé par Dieu, nous ne lassons pas d’aimer nos frères. Jamais. Et cela, pour l’éternité. Amen.