La clé, c’est la clé

par 23 Août 20202020, Homélies, Temps Ordinaire

fr_luc-thomas

Que le Seigneur ouvre la porte de notre cœur et nous donne la clé de sa Parole. Invoquant ainsi le Seigneur, une évidence s’est imposée à moi : la clé, c’est la Clé. Les lectures du dimanche sont habituellement organisées pour que la première lecture et l’Évangile se correspondent comme une promesse de l’ancienne alliance et son accomplissement dans la nouvelle. Or si nous rapprochons la prophétie d’Isaïe et l’extrait de l’Évangile selon saint Matthieu, la comparaison nous montre comme point commun la clé, celle de la maison de David posée sur l’épaule du serviteur de Dieu, celles du Royaume des Cieux données par Jésus à Pierre.

Quelle est la clé ? Alors que l’Église s’apprête à fêter la venue du Sauveur, lors de la semaine préparatoire à Noël, l’Église appelle celui-ci, au moment du chant du Magnificat, dans ce qu’on appelle l’antienne O, par un titre quotidien. Ainsi, celle du milieu de cette semaine s’exclame : « Ô Clé de David, ô Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira ; arrache les captifs aux ténèbres, viens Seigneur, viens nous sauver ! »

Ce que le livre d’Isaïe dit littéralement du serviteur de Dieu Eliakim est ainsi appliqué au Christ lui-même. Il est la Clé de David. Et si l’Église s’autorise cette lecture, c’est que l’Écriture elle-même la précède sur cette voie. On lit dans le livre de l’Apocalypse (Ap 7, 7) : « A l’ange de l’Église de Philadelphie, écris : Ainsi parle le Saint, le Vrai, celui qui détient la clef de David : s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira. »  Et dans sa vision inaugurale le voyant s’entend dire (Ap 1, 17) : « Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant ; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des siècles, détenant la clef de la Mort et de l’Hadès. »

Le même est donc le Saint, le Vrai, le Vivant, l’Alpha et l’Oméga, la porte des brebis, la Clé de David, et, comme le confesse Pierre : le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Quelle est donc cette clé ? Elle n’est pas une « clé de sol » mais une « clé de ciel ». La raison d’être d’une clé est d’ouvrir et de fermer la porte. Le Christ ouvre la porte du paradis, close après le péché des origines. Il est cette clé qui réalise, pour ceux qui portent la tenue de noces et gardent leur lampe allumée, la promesse : « frappez et l’on vous ouvrira ». Il est la clé qui permet l’accueil du bon et fidèle serviteur, invité à entrer dans la joie de son maître. Il est la clé qui ouvre au bon larron l’accès immédiat au Royaume. Il est la clé de la miséricorde, la clé du salut.

Mais la porte, ouverte aux brebis, est fermée aux loups, aux mercenaires et même à ceux qui s’assoupissent et laissent mourir la flamme intérieure de la lampe de leur âme. La clé est aussi celle qui ferme la porte pour protéger le troupeau, celle qui interdit l’accès à ceux qui refusent le Christ, à ceux qui frapperont sans qu’il leur soit ouvert. Lc 13 : « Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : « Seigneur, ouvre-nous », il vous répondra : « Je ne sais d’où vous êtes. » Alors vous vous mettrez à dire : « Nous avons mangé et bu devant toi, tu as enseigné sur nos places. » Mais il vous répondra : « Je ne sais d’où vous êtes : éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’iniquité. »

Nescio vos : je ne vous connais pas, je ne sais pas qui vous êtes, d’où vous venez. Il y a ainsi un lien intime entre la connaissance et la clé. Pierre reçoit du Père la connaissance de l’identité profonde de Jésus : le Christ, le Fils du Dieu vivant. Ce n’est pas la chair et le sang qui lui donnent de le connaître ainsi. Quand la chair et le sang parleront en lui, au moment de la passion de Jésus, il refusera de le connaître, il le reniera. Mais au jour du don du Père, au jour de l’acte puissant de sa foi, Pierre reçoit de Jésus de devenir le fondement, la fondation, le roc, la pierre sur laquelle il bâtit son Église. Et, ayant ainsi construit sa maison, lui, Clé de David, il lui en remet les clés en même temps que le pouvoir de paître ses brebis, avec le pouvoir et le devoir, d’ouvrir et de fermer, de lier et de délier.

Sans la clé la porte ne peut s’ouvrir pour nous lorsque nous y frappons. La clé du salut, c’est la Clé de David. Et la Clé de David est à chercher en Pierre et en l’Église fondée sur Pierre. Nulle part ailleurs.

Saint Augustin termine ses Confessions par ces mots lumineux : « Et l’intelligence de tout cela, qui parmi les hommes pourra la donner à l’homme ? Quel ange à l’ange ? Quel ange à l’homme ? Qu’on te demande à toi, que l’on recherche en toi, que l’on frappe chez toi. Ainsi, ainsi, l’on recevra, ainsi l’on trouvera, ainsi la porte s’ouvrira. »