Aujourd’hui vous est né un Sauveur
« Je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ».
Frères et sœurs,
Certainement bien avant que l’ange fît aux bergers cette magnifique annonce pleine de joie « Aujourd’hui vous est né un Sauveur », les bergers sentaient déjà que cette nuit n’était pas comme les autres nuits. Comme d’habitude, ils veillaient dans cette nuit, la plus mystérieuse de toutes les nuits, ils attendaient quelque chose sans vraiment savoir ce que, en fait, ils attendaient, sans vraiment connaître la source de cette joie et de cette paix que procurait déjà cette attente. Mais leur cœur était éveillé, ils étaient vigilants comme seulement les bergers peuvent l’être. Et ils ne se sont pas trompés : « Je vous annonce une grande joie, aujourd’hui vous est né un Sauveur ». Quel bouleversement et quelle joie alors pour les bergers.
Imaginez-vous que les bergers de cette première nuit de Noël, viennent proclamer leur joie d’avoir vu le Sauveur, sur la place Castellane, à la porte d’Aix, au Parc Borelli et sur le marché du Prado. Quel aurait été la réaction des gens ? Un Sauveur nous est né ? Vraiment un Sauveur ? Un Sauveur de quoi ? Rien n’a changé depuis la naissance de ce Sauveur des temps de l’empereur Auguste. Au contraire, l’on a l’impression que cela va de pire en pire. Et regardons ceux qui croient encore à ce message : « Un sauveur nous est né » : on les considère, si tout va bien, comme le Lou Ravi de la crèche que l’on ne peut pas vraiment prendre au sérieux, même si c’est peut-être lui qui a compris le mieux ce message, car il est hors de lui par la joie de cette annonce de l’ange. Bref, la société d’aujourd’hui a bel et bien échangé l’Emmanuel de la crèche par l’Emmanuel des Lumières, Emmanuel Kant, qui félicitait les gens d’aller à la messe de Noël, car cela pourrait toujours aider à ce qu’ils deviennent de bons citoyens, mais en les prévenant aussi que si jamais les fidèles et les frères inclus croient véritablement que les chants de Noël sont entendus par quelqu’un dans l’au-delà, il valait mieux les enfermer dans une clinique psychiatrique. Kant a vraiment écrit cela, mais comment pouvons-nous lui montrer qu’il s’est trompé sur toute la ligne, qu’aujourd’hui vraiment un Sauveur nous est né.
Les Hérodes, Kaïphes, Annes et Pilates d’aujourd’hui ne se laisseront peut-être pas toucher par la douce nuit de Noël, comme déjà jadis. Mais nous pouvons inviter les autres qui ne connaissent pas encore la véritable joie de Noël à essayer de chercher l’identité du Sauveur qui est représenté dans toutes les crèches, cette identité qui n’est rien d’autre que l’amour divin dont nous avons tous besoin et sans lequel nous ne pourrions pas vivre. Le meilleur moyen de le faire et de s’identifier soi-même toujours plus à l’identité du Sauveur et de ne jamais s’arrêter de le chercher dans notre vie.
Elie Wiesel raconte dans une histoire rabbinique que Jéschi-el, un petit garçon, est en pleure et cherche consolation auprès de son grand-père, le rabbin Baruch. Jéschi-el lui raconte : « J’ai joué à cache-cache avec mon ami, et je me suis tellement bien caché, qu’il ne pouvait pas me trouver, mais au lieu de continuer jusqu’à ce qu’il m’ait trouvé, il est tout simplement parti. C’est vraiment méchant ». « Oui, dit le grand-père, c’est vraiment méchant. Tu vois, avec Dieu, c’est tout à fait pareil. Il se cache, mais nous ne regardons pas vers lui, nous ne le cherchons pas vraiment, nous avons même arrêté de le chercher, car autres préoccupations nous semblent plus importantes. »
Le Seigneur, frères et sœurs, veut juste que nous le cherchions toujours et que nous le trouvions. C’est la seule manière qu’il a, pour nous faire participer au mystère de son amour. Il aurait pu venir avec toute la pompe et la visibilité splendide digne d’un roi et de sa cour, mais notre attachement au Seigneur n’aurait-il pas finalement comme fondement un autre motif que l’amour fondé sur une véritable liberté. Nous aurions été privés de l’expérience de la liberté, de la recherche de notre désir profond et finalement de la joie des retrouvailles. Jésus ne veut que les retrouvailles de cœur à cœur et non des retrouvailles bâties sur l’éblouissement du pouvoir ou de l’apparence extérieure. Parce que Jésus est simple dans la crèche, moi, comme les bergers, je peux m’approcher de la crèche en toute simplicité de ma pauvre existence, sans être obligé d’apparaître pour quelqu’un que je ne suis peut-être même pas. Cette simplicité est en même temps la boussole qui m’aidera à trouver le Seigneur, pour lui offrir mon cœur. En fait, Jésus a quitté la cachette céleste pour être trouvé, il veut que nous le trouvions, il court derrière nous afin que nous n’arrêtions pas de le chercher et que nous lui donnions notre cœur comme il a donné le sien au notre. Pour trouver le Seigneur, il faut juste faire ces quelques pas qui nous séparent de Bethléem ; ce qui nous sépare de Bethléem ce sont nos peurs, nos inquiétudes et le manque de confiance que le Seigneur sait toujours tout mieux faire que nous pouvons nous l’imaginer. Pour trouver le Bethléem de notre cœur, saint Paul nous avertit, il n’est pas nécessaire de faire de grands voyages, il n’est pas nécessaire de monter vers le ciel ou descendre dans les abimes : « Jésus est tout près de toi, sur tes lèvres et dans ton cœur » (Rm 10, 8). Tu l’as déjà trouvé, prend alors Jésus dans tes bras. La joie qui se manifeste alors à ce moment-là dans le croisement des yeux du petit Jésus et les yeux de chacun de nous, n’est-ce pas là la preuve que Jésus est vraiment là, malgré les maintes déclarations du monde : Oui, le Christ, le Sauveur est né aujourd’hui, ne craignons désormais plus rien, tout petit qu’il est dans la crèche, il a déjà vaincu le monde ! En d’autres termes, face au monde, ne craignons pas d’être le Lou Ravi de la crèche.