Je ne vous appelle plus esclaves mais amis
Frères et sœurs,
« Je ne vous appelle plus esclave, (…) mais amis » (Jn 15, 15) nous dit Jésus à chacun de nous ! Et il dit clairement qu’il nous avait appelé véritablement esclave, pas seulement serviteur, comme la traduction de la commission liturgique ou la Bible de Jérusalem nous le propose. Mais quelle magnifique transformation ! L’esclave devient ami du maître. L’esclave se trouve dans la hiérarchie sociale véritablement au plus bas de l’échelle, car le serviteur a au moins accès à la salle à manger pour servir, comme nous le savons au plus tard depuis la série Downton Abbey, tandis que l’esclave doit rester cacher au sous-sol du château ou encore ailleurs. Désormais, lors du banquet céleste, l’esclave peut prendre place à côté de son maître, habillé et habité par la joie propre au maître.
Tout cela est bien magnifique, mais le fait d’avoir été considéré par Jésus, avant la magnifique ascension sociale comme ami, avait déjà un peu agacé les juifs de l’époque : « Nous sommes la descendance d’Abraham et jamais nous n’avons été esclaves de personne. Comment peux-tu dire : Vous deviendrez libres ? » (Jn 8, 33). La réponse de Jésus est prompte : « La vérité vous libérera » (Jn 8, 32). Autrement dit, soyez honnêtes avec vous-même. Pour vous-même, qui êtes-vous ? Comment vous voyez-vous maintenant ? Comment décrivez-vous votre identité ? Voilà la fameuse question de l’identité. Pour répondre à cette question, il est possible de se regarder dans un miroir après avoir consulté sa carte d’identité et si jamais il y avait une quelconque ressemblance entre la photo de la carte d’identité et la représentation du miroir, il serait peut-être temps de réfléchir aux causes de cette ressemblance. Mais pour trouver sa propre identité, l’on a besoin de plus. Peut-être trouverai-je des réponses sur mon identité grâce à la culture qui m’a formé, grâce à mon origine sociale, ma généalogie, mon savoir et mes études ? Tous ces éléments, on les met dans le grand blender de l’existence et il en ressort le mix de mon identité. Mais, malgré le blender, finalement tout cela n’est tout de même que l’ensemble des éléments de mon existence. Cela ne me donne pas véritablement la réponse qui suis-je au plus profond de mon être. Peut-être, pour répondre à cette question aurais-je besoin que quelqu’un d’autre m’aide à trouver la réponse ? Mais, là encore, les étiquettes que tel ou tel croit pouvoir coller à mon identité resteront toujours des éléments partiels, certes vrais, espérons-le, mais au moins incomplets. Peut-être finalement, la réponse à la question de notre identité ne peut pas nous être donné par nous-mêmes ou par ceux qui se trouvent au même niveau que nous. En fait, ce que nous sommes, ce n’est que notre créateur qui le sait vraiment, car il nous a voulu comme nous sommes, il nous a créés et il nous dit à chacun de nous, sans exception, c’est magnifique que tu existes et c’est très bon. Tu as été créé à mon image et moi, je suis Amour et Charité. Voilà donc, ton identité : Amour et Charité. « Demeure en mon amour » (Jn 15, 9). Si tu demeures en mon amour, tu es comme moi, tu es mon ami ! Si en revanche, tu te détournes de cette vérité libératrice, tu deviendras esclave de toi-même : « En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave. Or l’esclave ne demeure pas à jamais dans la maison, le fils y demeure à jamais » (Jn 8, 34.35). « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour » (Jn 15, 10) et ce commandement n’est rien d’autre que réaliser en son existence l’amour qui est Dieu. « Je vous dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Qui ne veut pas vivre dans la joie que le monde ne peut pas donner ? Nous sommes des amis du Seigneur, car Jésus nous a fait connaître l’amour divin en mourant pour nous sur la croix. « Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). L’amour du Seigneur s’est révélé ainsi et si nous adhérons entièrement à cet amour, nous sommes appelés, et nous le sommes, amis du Seigneur, unis dans son amour. Voilà notre magnifique identité fondamentale que personne et aucune circonstance ne pourrait nous enlever ! Soyons en fiers et montrons au monde que vraiment notre joie est complète malgré tout ce qui peut nous chagriner.
Frères et sœur, « Je ne vous appelle plus esclave, mais amis ». Heureusement notre identité ne nous vient pas de nous-mêmes, mais du Christ. Il nous appelle ses amis, ne soyons pas des esclaves, ce n’est pas drôle d’être esclave, cela ne donne pas de joie. Réalisons avec joie notre identité d’amis du Seigneur, ne nous laissons pas détourner de cette identité par quoique ce soit, surtout pas par le péché qui nous sépare de l’amour et de la joie céleste. Laissons prendre Jésus possession de toute notre existence. Jésus nous dit à chacun de nous avec tellement de délicatesse propre à un véritable ami : « Allons ! Un peu d’ardeur, et repens-toi ! Voici je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap, 3, 19.20).