L’Evangile de Jugement
Mais quelle idée, de commencer par la fin ?! Nous voilà au premier jour de l’année liturgique, tout commence, et l’Église proclame à nos oreilles la fin des temps. Elle nous parle de Jugement dernier, de la venue future du Fils de l’homme, notre juste Juge. En en plus, cette annonce de Jugement est notre Évangile – la Bonne Nouvelle du jour…
Pourquoi donc commencer par la fin ? Le temps de l’Avent est celui où nous vivons un avènement du Seigneur. Non seulement un souvenir de ce qui s’est passé quelque part il y a longtemps, mais ce qui arrive aujourd’hui, ici-même. Nos crèches en sont le signe – la venue de Dieu dans notre chair est pour nous, Dieu vient établir sa demeure avec nous, mieux encore, en nous. Moi et mon Père nous sommes Un – voilà ce que le mot consubstantiel revenu dans le Credo veut dire – celui qui est Un avec le Père vient s’unir à nous. Son avènement réalisé dans le passé s’accomplit en nous aujourd’hui. Pensons-en quand nous viendrons communier.
Et son avènement futur agit déjà. Sa venue dans la gloire et son Jugement sont déjà à l’œuvre en nous. Sa parole nous juge. Elle dit ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Elle nous engage sur les chemins de la justice. Elle nous relève pour que nous puissions tenir debout devant le Fils de l’homme.
Tout s’écroule, la justice de Dieu demeure. Quel que soit le régime politique, quelle que soit l’époque, quels que soient nos soucis de la vie, il est juste et bon d’aimer Dieu, d’aimer son prochain. De servir Dieu, de servir son prochain. Il est juste et bon de prendre soin de nos proches. Il est juste et bon de prendre soin de ceux qui semblent loin. Il est juste et bon de protéger les vieillards et les enfants. Rien de plus naturel, me direz-vous. Tout le monde le fait.
Si tout le monde le fait, et donc nous n’avons plus à nous convertir, pourquoi notre monde est-il si froid, si préoccupé par l’immédiat, quitte à sacrifier les autres pourvu que notre petit confort subsiste ? Et puis, si c’est cette justice est déjà une chose acquise, pourquoi craindre la fin de ce monde ? Si nous aimons Dieu plus que tout, si nous sommes en paix avec notre prochain, pourquoi le jugement de Dieu n’est pas l’objet de nos désirs ? Se tenir debout devant Dieu, dans son regard : bienveillant, mais pénétrant et juste, où tout a sa place. Toute lâcheté, tout mensonge, tout égoïsme sont vus, nommés, mis en lumière. Tout mouvement secret de jalousie, de haine, de mépris sont là, dans la bonté de ce regard. Tout le bien que nous n’avons pas fait, que nous avons chois de ne pas faire est montré. Qui tiendra dans ce feu dévorant ?
Celui qui cherche à se convertir. Celui qui accepte de regarder sa médiocrité en face et qui veut la changer. Celui qui peut dire en vérité : je ne sais pas encore aimer, mais j’apprends à le faire, je veux le faire. Celui qui assume le prix à payer pour ce changement, car le mal semble facile et le bien est exigeant. Celui-là tiendra dans le feu dévorant de la charité divine.
Pourquoi le jugement de Dieu est-il une bonne nouvelle? Parce qu’il agit déjà. Il nous attire à lui, il indique la voie de justice, nous éclaire de sa flamme vivante. Nous sommes au tout début de notre route, au premier jour de l’année liturgique, et voilà que nous nous redressons et relevons la tête. Nous contemplons ce vers quoi il nous faut tendre. Et Jésus, le germe de Justice, descendu dans notre nuit commence sa croissance en nous.