Prophète en son pays

par 4 Juil 20212021, Homélies, Temps Ordinaire

fr_dominique-benoit
Nul n’est prophète en son pays doit faire partie du TOP 3 des citations évangéliques les plus citées.
Nous l’utilisons pour marquer un certain défaitisme face à une œuvre d’annonce qui ne porte pas de fruits.
 
Et Jésus lui-même semble jeter l’éponge dans l’évangile selon saint Marc « et là, il ne pouvait accomplir aucun miracle ».
Plus rien à faire, cela ne prend pas : leurs yeux et leurs oreilles sont bouchés. Ils n’ont pas la foi.
 
Je pense que vous avez déjà vécu cette situation : vous essayez de dire quelque chose mais on vous arrête tout de suite. « Non, pas toi, pas à nous ! » « Nous te connaissons depuis bien longtemps et ce que tu fais ou ce que tu dis, nous ne pouvons pas le croire… venant de toi ! » D’abord, tenons, comme sainte Bernadette, que nous ne sommes pas là pour faire croire, nous sommes là pour le dire.
 
Ensuite, plaçons nous de l’autre côté. En famille, auprès de ses amis, dans son travail, ses loisirs,… il est absolument difficile de faire changer le jugement intérieur qui a été posé sur une personne. C’est sans doute là une facilité ou une paresse de l’intelligence qui refuse de vouloir remettre à jour l’avis que l’on tient : « il a fait cela il y a 30 ans, c’est un pourri ! », « hier, elle a dit cela, elle est atroce ! ».
 
Notre intelligence est faite pour analyser, comprendre et juger le bien et le mal. Nous avons raison de bénir une belle œuvre, raison de condamner un péché. Mais le Seigneur, et l’Église nous y encourage, ne veut pas que nous jugions les personnes : car Dieu seul peut réellement connaître le fond de notre âme et juger de nos intentions. Et son jugement, il le rendra au moment de notre mort, pas avant !
 
L’homme peut juger les actes mais ne peut juger la personne dans son entièreté car comme nous jugeons, nous serons jugés.
Nul d’entre nous ne souhaiterait être jugés définitivement sur une seule de ses actions car, même si nous savons que le pire est toujours possible, nous espérons toujours la conversion des cœurs. En ce domaine, il vaut mieux un excès de naïveté qu’un excès de dureté de notre cœur. Nous devons nous en souvenir à chaque fois que nous disons le Notre Père : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».
 
Ce jugement que nous posons bien souvent de manière irrémédiable s’accompagne aussi d’une vision trop simpliste de l’humanité : soit tout bon, soit tout mauvais. Soit tout blanc, soit tout noir. Mais vous avez l’habitude de voir les frères habillés en noir et blanc. La Vierge Marie est traditionnellement habillée de rouge et de bleu alors que Marie-Madeleine est habillée de bleu et de rouge en inversant les couleurs du dessus et du dessous.

Il nous serait tellement plus facile de tracer une ligne entre les parfaitement bons et les mauvais, tels les anges dont le choix du bien ou du mal est irréversible. Mais nous le voyons bien au fur et à mesure de nos confessions : nous faisons le mal que nous ne voulons pas et nous ne faisons pas le bien que nous désirons.
 
Nous voudrions être parfaits comme Dieu mais l’appel à la sainteté qu’il nous lance n’est pas une copie de sa sainteté : il y a une différence de nature entre Dieu et nous. La perfection de Dieu est absolument différente de la perfection de la Création. Et notre sainteté est fondamentalement, ontologiquement, liée à notre rapport à Dieu. Saint Paul essaye de nous l’expliquer dans sa deuxième épître aux Corinthiens : « je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, […] car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».
 
Attention, Saint Paul ne nous invite absolument pas à nous étaler avec délectation dans notre péché et notre faiblesse. Il nous exhorte au combat spirituel mais sans que nous tirions orgueil de nos armes et de nos victoires. C’est parce que nous avons été créés par Dieu et que nous avons reçu son Esprit que c’est à Lui que nous pouvons rapporter tout le bien de nos vies. Comme nous le chantons dans le psaume 115 : « non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton Nom rapporte la gloire ». C’est toute notre vie que nous offrons au Seigneur parce que c’est en Lui que nous mettons notre espérance.
 
Lors du procès de Jeanne d’Arc, pour la mettre à l’épreuve, on l’interrogeait pour savoir si elle était en état de grâce. Nous pouvons, comme elle, demander à Dieu de nous tirer hors du péché si nous y sommes, et continuer de nous offrir d’être dans la grâce si nous y sommes.

Nous devons oser prier pour nous-mêmes, ce n’est pas de l’égoïsme, car si notre cœur se fait souvent accusateur, c’est parce qu’il est bien souvent troublé par notre propre péché et la douleur le rend amer. Si nous désirons que l’évangile de Dieu soit entendu, exerçons d’abord notre propre capacité à voir l’action de Dieu dans nos vies.
 
En confession, demandons à Dieu la grâce de la douceur, de la sérénité et de la foi lorsque nous entendons « et moi, […] je vous pardonne tous vos péchés ». Amen