Ce crucifié, notre Roi

par 20 Nov 20222022, Christ-Roi, Homélies

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Le Christ règne sur toute chose. Rien n’échappe à sa Seigneurie : par lui tout est créé, par lui tout est réconcilié, par lui tout est sauvé. Des cieux aux plus profonds abîmes – tout est dans sa main.

Sa Croix nous le montre. C’est là seulement qu’il accepte enfin ce titre de roi. Souvenez-vous, tout au long de son ministère, lorsque les foules enthousiastes cherchaient à s’emparer de lui pour en faire leur roi, il échappait à leur emprise et passait son chemin.  Mais maintenant, nu, raillé, mourant, couronné par les épines, une pancarte clame sa royauté : Celui-ci est le Roi des Juifs. Et les foules enthousiastes, que sont-elles devenues ? Elles sont toujours là, mais maintenant elles le tourne en dérision : Si tu es le roi, sauve-toi toi-même !  Ce qu’ils ne voient pas, ces chefs, ces soldats, ce pauvre malfaiteur, c’est qu’il sauve. Il sauve. Il règne. Aujourd’hui, tu sera avec moi au Paradis.

Ceux qui refusent sa miséricorde n’échappent pas pour autant à sa seigneurie crucifiée. L’œuvre de justice s’accomplit en eux. Le mal qu’ils chérissent en leurs seins reçoit sa juste récompense. Dieu, le juste juge, donne à chacun selon ses actes et selon les désirs de son cœur. Ceux qui cultivent la mort, l’iniquité, le mépris, les reçoivent en partage. Pour nous, c’est juste: après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons !

En un instant, ce bon larron franchit des époques et des siècles ; le voilà comme au moment de jugement dernier, face au Roi des rois. Tu as bien jugé. Tu donnes à chacun ce qu’il mérite, tu donnes à chacun ce qu’il cherche. Et là, en acceptant cette royauté de justice, il bascule résolument dans la miséricorde. Il y tombe, comme on tombe d’en haut de précipice, comme on tombe dans la vérité : il n’a rien fait de mal. Jésus ! souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume.

Mais quel Royaume ? Mais quelle venue ? Ils sont en train de mourir, tous les trois. Qu’est-ce qui les attend ? – quelques agonies et puis la tombe. Mais tout comme Abraham, montant au lieu de sacrifice avec son fils unique, disant : nous reviendrons ; comme Jérémie, au seuil de l’exil qui achète une terre pour la transmettre; comme Job : de mes yeux de chair, je verrai mon Rédempteur, comme eux, ce larron confesse : quand tu viendras.

Il a accepté la justice, il a accepté le jugement, il a confessé sa faute, et le voilà qui pose un acte de foi qui lui ouvre les portes du paradis : Jésus ! souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume.

Rien n’échappe à la Seigneurie du Christ. La création entière est portée par son souffle. Il est avant toute chose et tout subsiste par lui. Le mal lui-même ne se dérobe pas à son empire. C’est son amour gratuit, infini, source de tout vie qui est ce qui tourmente  l’enfer. Car le démon le plus orgueilleux ne peut oublier un seul instant qu’il ne vit que par cette miséricorde de Dieu qu’il haït de toutes ses forces.

Mais ce qui est le tourment des orgueilleux est la joie des humbles. Nous ne vivons que par sa miséricorde. Comme disait Catherine de Sienne : je ne trouve rien en moi qui échappe à ta miséricorde. C’est par miséricorde que Dieu crée, sans nul besoin et nul manque à combler, sinon son désir de nous voir vivre. C’est par sa miséricorde que nous sommes convertis : c’est elle qui nous permet de regarder notre péché en face et dire – la mort que j’engendre par mes actes, toi seul, tu peux la changer en vie. C’est sa miséricorde qui nous permet dans nos doutes, dans nos luttes, dans nos peines, contempler la Croix et y voir un signe sûr d’espérance. Rien en nous n’échappe à sa main. Ni la vie, ni la mort, ni le bien, ni le mal que nous commettons – sur tout, il règne.

Pour nous, son Royaume est tout aussi proche qu’il a été pour bon larron. À portée de main. À portée des lèvres. Il nous suffit de confesser ce que nous sommes, il nous suffit d’appeler à sa miséricorde. Il nous suffit de proclamer ce Crucifié comme notre Roi.