Corps ecclésial, corps de gloire et corps divin
Lorsque Dieu fait alliance avec Abram dans Gn 15,18, à sa descendance est donné un pays ; il scelle, il conclut, il cimente pour ainsi dire son alliance par du concret, du corporel, du terrestre : une terre. C’est ainsi que la vocation des élus, des croyants, des pauvres de Dieu c’est d’habiter une terre où coulent le lait et le miel. Mais désormais, pour les chrétiens, ceux qui ont été baptisés en Christ, ce lieu de bénédictions, ce pays de l’alliance, cette demeure terrestre, c’est plus qu’une terre promise ou même une terre sainte : Dieu s’est fait chair, Jésus est venu parmi nous, et c’est l’Église qui manifeste, assure, continue parmi nous, ici-bas, ici et maintenant, la présence d’un Dieu ami des hommes. L’Église est terre de la promesse, demeure de Dieu parmi les hommes, la nouvelle Jérusalem céleste; l’Église est cette domus [maison] que Dieu visite et où il se rend présent, elle est ce corps du Christ qui vivifie, ce temple de l’Esprit qui sanctifie. Si nous voulons être connus et reconnus de Dieu, si nous avons à vivre Dieu et à revivre en Lui, si nous avons à être transfigurés à la manière de Jésus, pour donner corps, chair à tout cela, il nous faut être d’Église, faire et devenir Église, lieu où Dieu manifeste sa présence, nous vivifie et sanctifie !
Dans le même mouvement, dans cette Église où Dieu se découvre, qu’il habite et où demeure son amour, au corps ecclésial se juxtapose un corps de Gloire. Il reste qu’en dépit de sa fragilité, parfois même en dépit de ses défaillances et de ses turpitudes, notre saint Mère l’Église reste lieu de présence, de vie, de sanctification toute divines. En elle, se manifeste, se donne à voir, est rendue visible la Gloire de Dieu en Jésus, Christ, Seigneur et Sauveur du monde. Ainsi que nous l’indique Ph 3,17-4,1, loin d’être de ces ennemis de la Croix du Christ, embourbés, renfermés et enterrés dans leurs désirs, leurs habitudes et leur soucis bassement terre-à-terre, matériels, terrestres, notre présent comme notre futur, c’est d’être citoyens des cieux mais par notre façon de nous attacher, de suivre et de tenir bon en Jésus, Dieu fait homme pour notre salut, Lumière divine éclairant nos ténèbres et resplendissement de la Gloire du Père ! Et seul Jésus, le Christ, pourra transformer nos corps de misère à l’image de son corps glorieux.
L’expression est inhabituelle, corps divin mais elle exprime ce qu’elle dit. Nous sommes sur les hauteurs, à la montagne, lieu spirituel, mystique, divin. Les apôtres assistent à la transfiguration de Jésus. Celle de Jésus entouré de Moïse et d’Élie, personnages symbolisant la Loi et les Prophètes, compagnie de rêve, sublime, le top du top, me direz-vous. Oui ! Cela pour nous signifier qu’en Jésus, qu’à travers sa personne même, les promesses sont accomplies : à bon entendeur, salut ! Et voici que Pierre se met à rêver d’éterniser l’événement en dressant des tentes ou river les pieds sur terre. Mais ce n’est plus le lieu de l’Exode, du désert. Au contraire, c’est la Terre sainte par excellence, la Jérusalem nouvelle où Dieu manifeste, reconnaît et adoube en Jésus son Fils bien-aimé qu’il nous faut écouter. Et l’on comprend la joie des apôtres : l’antique et vénérable promesse est accomplie, nous est révélé ce Fils, parfait miroir, effigie resplendissante du Père. Mais encore ? Au travers de la Transfiguration, se lit en filigrane le parcours du Fils bien-aimé qui va souffrir, mourir par fidélité au Père, pour réaliser la volonté divine de libération, de salut et d’amour de Dieu. En somme, Transfiguration ou Pâque préfigurée : un chemin de croix, passage obligé pour le chemin de Vie, pour faire corps avec et en Dieu !