Plan Vigipirate de notre conversion
« Dans le cadre du plan Vigipirate, je vous rappelle que l’étiquetage des bagages est obligatoire pour ne pas qu’ils soient considérés comme des bagages abandonnés, nécessitant l’intervention d’une équipe de déminage… »
Il y a 20 ans, ces paroles avaient de quoi effrayer. Le plan vigipirate ce n’était pas n’importe quoi, ni n’importe quand. En entendant cette annonce pour la première fois, on regardait les valises du train avec frayeur, en pensant à l’explosion qui pourrait survenir, ou à cette fameuse équipe de déminage qui pourrait entrer à tout moment…
Et voilà que depuis 2004, nous entendons cette annonce à chaque fois que nous prenons le train, de sorte qu’elle n’effraie plus personne : après plus de 15 ans, on ne l’entend même plus. Pas un regard vers ces valises qui s’empilent et qui pourtant pourraient exploser à tout moment …
Notre péché à quelque chose à voir avec ces valises.
Et les textes de ce jour ont quelquechose à voir avec cette annonce de la SNCF, que nous entendons si souvent, que nous ne l’écoutons plus !
Maudit soit-tu qui met ta foi dans un mortel !
Maudit soit-tu t’appuies sur un être de chair !
Malheur à Toi dont le cœur se détourne du Seigneur !
Béni soit tu qui ne suis pas le chemin des pécheurs,
Béni soit tu qui ne sièges pas avec ceux qui ricanent,
Heureux es-tu, qui te plais dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !
Quelle banalité dans ce choix décisif, entre le bien et le mal.
On ne l’entend même plus.
On est tellement sûr d’avoir bien choisi, d’être du bon côté de la ligne de démarcation.
Pourtant ce choix radical n’est pas une frontière entre deux groupe d’hommes, ceux qui sont ce matin ici à la messe, et ceux qui errent dans les ténèbres, dehors, au bistro ou à la salle de prière. Ne cherchons pas trop facilement le groupe des bons, et le groupe des méchants, car la frontière entre le bien et le mal dont parlent tous les textes de ce jour, traverse le cœur de chacun d’entre nous
Regarder seulement le mal qu’il y a à l’extérieur de nous, c’est ne pas vouloir reconnaître le péché qu’il y a en nous. C’est refuser de voir cette ligne qui partage notre cœur et qui sépare en nous l’homme ancien attaché à la chair et aux bien du monde et l’homme nouveau qui met en Dieu toute son espérance.
Devant ces deux parties de notre cœur, dont l’une essaie chaque jour de prendre du terrain sur l’autre il faut activer le plan Vigipirate de la conversion.
Il faut se saisir méthodiquement de toutes les valises qui traînent dans notre cœur, les grandes, comme les petites, les neuves comme les poussiéreuses et les étiqueter soigneusement, en y inscrivant très lisiblement le nom de Jésus.
Certaines de nos valises, nous le savons bien, résistent à se laisser marquer par une telle étiquette… Dans ce cas, ne pas hésiter. Il faut s’en débarrasser tout de suite.
Sans ménagement, sans discussion. Les jeter par-dessus bord.
En cas de difficulté, rien n’empêche de demander l’aide de l’équipe de déminage. Figurez-vous qu’elle agit dans cette église chaque semaine : à 11h le samedi, et à 10h le dimanche. À Notre Dame de la Garde, c’est tous les jours, de 9h30 à 17h, que l’on peut déminer les explosifs de notre cœur, en recevant le sacrement du pardon.
Ces textes qui appellent à la conversion ne sont pas là pour nous effrayer. La façon dont Jésus reprend ce thème dans les béatitudes invite à réfléchir en profondeur sur ce qu’est la conversion. Les béatitudes nous interdisent de voir cette conversion comme définitivement gagnée, accomplie une fois pour toute.
Il ne s’agit pas de passer subitement des épaisses ténèbres du péché, à une radieuse lumière sans aucun défaut, et qui durera toujours, sous le son des trompettes des anges du paradis.
Jésus nous apprend que la conversion, l’aveu, l’absolution nous laisse dans la situation du pauvre, du mendiant, de celui qui a faim et qui ne trouve pas en lui-même de quoi se rassasier, de celui qui pleure et qui n’arrive pas à se consoler sans que Dieu son Père ne le prenne dans ces bras.
Heureux est-il, cet homme-là, qui dans l’aveu de sa faute, a compris combien il a besoin de Dieu.
La confession lui révèle la misère et la fragilité de son âme, et lui fait désirer la force et la richesse de Dieu.
Malheur à vous qui avez votre consolation !
Malheur à vous qui êtes repus,
Malheur à vous qui riez maintenant, alors que tous les hommes disent du bien de vous !
Vous n’avez pas besoin de Dieu, vous vous contentez très bien de vous-même.
Heureux êtes-vous, si vous pleurez, et si vous n’espérez qu’en Dieu pour obtenir la consolation de votre âme.
Heureux êtes-vous si vous avez faim, faim de Dieu, faim de ce pain qu’il vous promet, sa chair pour la vie du monde.