La Samaritaine
Chers Frères et Sœurs,
Dieu vient à notre rencontre ! En ce temps de carême ou nous faisons une place importante à l’ascèse, voilà ce qui rend notre ascèse chrétienne : Dieu vient à nous, et il accompagne nos efforts pour nous faire monter jusqu’à Lui. Ce mouvement de venue de Dieu qui caractérise l’Incarnation et la Rédemption nous le retrouvons dans ce récit de la Samaritaine. Comme nous disions à Noël, celui qui est invisible se rend visible à nos yeux pour remettre les hommes égarés sur le chemin du Royaume (Préface de Noël). C’est ce qui se passe à nouveau ici.
Le Christ vient à l’avance au rendez-vous. Malgré la chaleur, malgré la terre hostile pour un juif qu’il doit traverser, la Samarie, Jésus se rend auprès du puits de Jacob où il sait qu’il doit rencontrer la Samaritaine. Malgré la fatigue, Jésus entame le dialogue avec cette femme venue seule au puits, alors que sans doute les autres femmes du village sont venues en groupe et avant la chaleur de la journée pour puiser de l’eau. Sans doute que sa réputation de pécheresse publique l’exclut de ce groupe et elle doit venir seule puiser de l’eau à une heure où la chaleur est déjà forte.
Jésus entame le dialogue par une demande simple, mais la première réponse de la Samaritaine est plutôt fermée et dure : « Comment ! Toi qui es juif, etc. ». Mais le Seigneur reprend le dialogue avec compréhension pour cette femme dont il connaît la vie: « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais Celui qui te dit : Donne moi à boire, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive ». Viens la seconde réponse, de la Samaritaine, toujours aussi peu affable : « Tu n’as rien pour puiser et le puits est profond, etc. » Autrement dit : « De quoi tu me parles avec cette eau vive, il fait chaud et je dois ramener cette eau chez moi, laisse moi tranquille j’ai autre chose à faire que de m’occuper de cette eau vive ! »
Mais le Seigneur continue patiemment le dialogue : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif, mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante en vie éternelle ». Et à ces paroles du Christ, le cœur de la Samaritaine commence à s’ouvrir, à s’attendrir: « Seigneur, donne la moi, cette eau, que je n’ai plus à venir ici pour puiser ». Ici quelque chose commence à changer. Comme nous lorsque nous allons devant le Seigneur, près de son tabernacle avec un cœur parfois aussi peu ouvert que celui de la Samaritaine, car rempli de préoccupations qui nous éloignent de Lui, mais sous son regard et devant sa présence aimante quelque chose change dans notre cœur.
Et Jésus continue le dialogue en lui montrant qu’il connaît sa vie et ses errements mais la Samaritaine n’en est pas humiliée. C’est que la Parole du Christ est toujours la parole du Verbe qui respire l’Esprit-Saint, l’Esprit Consolateur qui vient attendrir le cœur de son interlocuteur. Ainsi les mots du Christ qui pourraient cette fois paraître comme une humiliation (et rompre le dialogue), ne sont pas perçus comme tel, au contraire, la Samaritaine perçoit chez le Christ quelque chose de divin qui voit plus loin que ses fautes, ce regard miséricordieux et patient qu’a le Christ sur elle depuis le début de ce dialogue. Ce regard du Dieu créateur qui tire le bien du néant, le regard du Dieu rédempteur qui vient sauver ce qui était perdu, redonner la joie au cœur de cette femme à la vie chaotique.
Une fois de plus cette page de l’Évangile nous révèle le Christ comme « Celui en qui Dieu nous montre son cœur compatissant et nous réconcilie avec Lui » (JP II, Novo millenio ineunte, n°37 sur le sacrement de la Réconciliation). Puisse cet Évangile nous inspirer dans notre fréquentation du sacrement de Pénitence dans lequel le Christ nous attend, comme il a attendu la Samaritaine au bord du puits de Jacob…