Vous voulez partir vous aussi ?
Que s’est-il donc passé ? Qu’est-ce que Jésus a bien pu leur dire qui ne passe pas ?
Depuis quelques dimanches nous entendons par morceaux le long chapitre 6 de Saint Jean dans lequel il est question de manger, de nourriture, de pain, une réalité ô combien basique et importante dans nos existences, qui occupe une partie de nos journées et qui est, avec la météo, un sujet favori de nos conversations : la nourriture !
L’Ecriture en parle du début à la fin : le Seigneur est un Dieu nourricier qui nous invite à manger, et qui nous donne à manger : de sa première parole à l’Adam des origines, –Tu peux manger de tous les arbres du jardin- en passant par l’évocation de ce pays où coulent le lait et le miel, jusqu’au rassemblement joyeux des invités au repas des noces de l’Agneau.
Tout a commencé quand Jésus a nourri une foule immense avec 5 pains qu’il a bénis, partagés, distribués en surabondance. On le prit aussitôt pour un surhomme, un roi tout puissant qui pouvait satisfaire nos appétits et nos désirs à volonté. Mais Jésus s’enfuit, il y a méprise. Jésus veut nous révéler une autre réalité, nous parler d’une nourriture qui ne se perd pas : le pain venu du ciel qui donne la vie au monde. Ce n’est pas comme la manne du désert que les pères ont mangé, eux ils sont morts, c’est une nourriture qui demeure en vie éternelle.
Et voilà que Jésus prétend être lui-même cette nourriture : Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. C’est pour le moins difficile à comprendre, c’est dur à avaler. Alors autour de Jésus, dans le rang de ses proches, on s’agite, on murmure, on récrimine, on se divise.
Comment cet homme peut-il donner sa chair à manger ? Comment ce Jésus dont nous connaissons bien le père et la mère peut-il se prétendre Verbe, Pain, Manne descendu du ciel ? Comment est-il allé jusqu’à livrer son corps, sa chair pour la vie de monde ? Et qui donc serait Dieu s’il laissait mourir son envoyé ? Qui peut entendre de telles paroles irrecevables pour beaucoup, voire scandaleuses ?
Prenez et mangez. Ceci est mon corps, ma chair, mon sang pour la vie du monde.
Jésus donne et en donnant il se donne réellement dans cette nourriture offerte, partagée, mangée et reçue dans la foi, qui transforme notre vie pour qu’elle devienne fraternelle, sacramentelle. La foi est cette manducation, cette lente rumination du Messie crucifié donnant sa vie par amour pour le monde, elle est communion à l’amour, aux souffrances, au don total du Christ. L’Eucharistie est cette grande expérience, éprouvée jusque dans notre chair, du vrai pain, consistant, résistant, devenant réelle communion, Corps du Christ ressuscité. « Croire en lui, c’est manger le pain vivant. Qui croit mange , dit St Augustin.». Et celui qui mange, dit Jésus, je le ressusciterai au dernier jour. Il est grand le mystère de l’Eucharistie ! Il est grand la mystère de la foi !
On peut s’être réunis autour de Jésus, l’avoir entendu proclamer la venue du Royaume, on peut l’avoir suivi à pieds ou en bateau, cela ne suffit pas pour croire. Pour entrer plus avant dans le Mystère, il faut nous laisser instruire, nourrir, attirer par la Seigneur. Venir à lui, prendre, recevoir dans nos mains ouvertes la Parole et le Pain, manger réellement, boire à pleine coupe.
Ayant entendu tout cela, les disciples sont troublés dans leur foi. Il va falloir maintenant choisir, l’heure de la décision a sonné ; ce qui tombe bien en ce temps de rentrée. Comme les premiers arrivants en Terre Promise au temps de Josué, sommés de choisir une bonne fois qui ils voulaient suivre et servir. Au fond, qui voulons-nous suivre et servir ? Sommes-nous prêts à recevoir dans la foi, au plus profond de nous-mêmes ce que le Seigneur nous offre à manger, ou allons-nous dévorer ce que nous convoitons, comme au temps des origines ?
Questions cruciales s’il en est. Les disciples sont au pied du mur, et Jésus face à la liberté humaine qui se dérobe. Beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de marcher avec lui. Jésus assiste impuissant à l’abandon d’un grand nombre, il affrontera le fait odieux de la trahison d’un ami. Il lui faudra encore aller au-devant de l’hostilité, du mépris et de la haine. Et il en restera bien peu avec lui au pied de la croix. C’est devenu trop dur.
Alors nous aussi nous sommes libres, nous pouvons partir, ostensiblement ou sur la pointe des pieds. Mais pour aller où ?
Pierre a choisi. Certes le sens plénier des paroles de Jésus lui échappe encore, mais sa confiance se risque sur l’essentiel : le message de Jésus est porteur de vie éternelle. Ses paroles sont Esprit et Vie, Esprit de vie, Esprit vivifiant.
Ouvrir l’oreille, ouvrir la bouche. Accueillir la Parole et le Pain qui ne font qu’un en Jésus-Christ, est nourriture pour la vie et le bonheur.
Notre Père qui es aux cieux, ne nous laisse pas entrer dans la tentation de partir nous aussi, c’est parfois si tentant d’aller voir ailleurs. Mais à qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous n’avons pas tout compris mais nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. C’est toi et toi seul que nous voulons suivre et servir.
Amen !