Ainsi nous est offert le Salut

par 27 Juin 20212021, Homélies, Temps Ordinaire

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Il y a là dans la foule une femme, malade depuis 12 ans, et 12 ans c’est très long. Elle a tout perdu, sa fortune, sa santé et donc sa dignité. Tout semble la fuir, jusqu’à la vie elle-même avec ce flux du sang qu’elle perd et que plus rien n’arrête. Déclarée impure selon la loi ancienne, elle est rejetée des siens. Retranchée du monde et éloignée de Dieu, elle est considérée comme déjà morte.

Il y a là aussi un homme bien en vue et recommandable, un chef de synagogue nommé Jaïre, dont la fille se meurt. Elle avait 12 ans, et 12 ans c’est très jeune : une vie en pleine croissance juvénile qui s’arrête avant même d’avoir pu s’épanouir.

Personne n’a rien pu faire pour ces deux femmes atteintes dans leur féminité, écorchées au plus profond de leur être dont la vie se retire inexorablement.

Leur situation paraît sans issue. Pourtant, l’homme et la femme n’ont pas perdu tout espoir. D’un même et mystérieux mouvement, ils vont se tourner vers Jésus. Ils ont entendu parler de Jésus à qui même le vent et la mer obéissent, et qui guérit ceux que le mal atteint dans leur esprit ou dans leur corps. Alors oui, Jésus, viens imposer les mains à ma fille, qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Alors oui, si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée.

Quelle foi déjà ! mais encore confuse et enfouie au plus profond d’eux-mêmes. La femme a préféré s’approcher par derrière, pour toucher le vêtement, ni vue ni connue ; son flux de sang est aussitôt stoppé par une force qui jaillit, vivifiante.

Guérison certes, mais guérison volée. Aussi Jésus ne la laisse pas partir trop vite, elle pourrait croire qu’elle est guérie par un simple contact, par le seul attouchement de la frange du manteau, ce ne serait qu’acte magique et vaine superstition, qui renverrait Jésus au rang des magiciens ou des vaines idoles. La véritable guérison ne lui sera donnée ici qu’au terme d’une démarche de foi, d’une rencontre, d’une parole échangée. Craintive et tremblante, la femme s’avance pour dire à Jésus toute la vérité, vérité de ce qu’elle est, de ce qu’elle vit, et peut-être avouer l’intention qu’elle avait de dérober à la va-vite un miracle.

Ainsi sommes-nous parfois comme cette femme, comme cet homme, malades et malheureux, travaillés par le doute tout en espérant mieux, hésitants, craintifs, tourmentés, au gré de l’existence nous avançons vers Jésus par derrière à la recherche furtive de quelque miracle, ou nous tombons devant lui pour implorer son secours, ouvrir notre coeur et dire la vérité. Audaces et dérobades, avancées et reculs, perdition et salut, mort et vie se côtoient et se mêlent en nous, dans le clair-obscur de nos existences.

Jésus ne condamne pas, il accueille notre démarche et nous redonne espoir et confiance : va en paix, dit-il à la femme toute tremblante, ta foi t’a sauvée. N’aie pas peur, dit Jésus au chef de la synagogue encore incrédule, crois seulement, Voilà ce que Jésus veut nous dire, voilà ce qu’il attend de nous : que nous croyions en lui, que nous croyions en lui quand il dit : L’enfant n’est pas morte, elle dort. La plupart des gens ne peuvent y croire et se moquent de lui.

Prenant la main de l’enfant, Jésus lui dit : Talitha Koum, Jeune fille, je te le dis, lève-toi. Et devant les témoins saisis de stupeur, comme en extase, elle se leva, littéralement elle ressuscita, et elle marchait.

Nous restons nous aussi toujours un peu ébahis : désormais la mort n’exerce plus son empire pour toujours, elle n’est qu’un sommeil dont le Christ nous réveillera. La résurrection de Jésus donnera sa pleine lumière à celle de la fille de Jaïre comme à celle de son ami Lazare. Quelle signification pourrait avoir une résurrection temporaire s’il n’y avait pas l’espérance d’une résurrection définitive ?
Désormais le salut est bien arrivé en Jésus-Christ, un salut offert à tous qui n’exclut personne. Jésus donne la vie. Jésus vient ainsi nous réveiller du sommeil de la mort, il vient remettre debout des hommes et des femmes rejetés, déconsidérés, stoppés dans leur élan, vidés de leur substance et de leur énergie, prêts à baisser les bras et à tout abandonner.

On peut ironiser à son sujet, on peut aussi le quitter, l’abandonner. Jésus ira jusqu’à se vider lui-même pour nous enrichir de sa pauvreté, il ira jusqu’à donner son corps, son sang, sa vie à notre humanité frappée d’hémorragie.

Nous pouvons toujours prendre le parti des incrédules ou des moqueurs, mais c’est se ranger dans le parti de la mort, dit le livre de la Sagesse. Seuls ceux qui croient peuvent distinguer cette force de vie plus forte que la mort qui vient de Jésus, et que Jésus nous offre.
Bien loin de se mettre en valeur de tourner les regards vers lui notre Sauveur, Jésus les tourne vers la fillette qui se réveille. Puis il leur dit de la faire manger.

Ainsi nous est offert le salut en Jésus-Christ.