Ecoutez
Réveillez-vous ! Levez-vous ! Veillez ! Telle était l’invitation que la liturgie nous avait adressée dimanche dernier. Et maintenant que nous sommes éveillés, maintenant que nous sommes à veiller, que faire, demanderont certains ? Eh bien tout simplement, ce que fait toute personne qui veille. Avez-vous remarqué en effet comme le veilleur dans la nuit est attentif au moindre bruit ? Le veilleur est avant tout quelqu’un qui écoute. Et c’est pourquoi la liturgie de ce dimanche nous lance une nouvelle invitation : Ecoutez ! Ouvrez grands les écoutilles ! Prêtez l’oreille ! Ecouter, oui. Mais pour entendre quoi, demanderont à nouveau certains ? Que s’agit-il donc d’écouter ? Comment l’écouter ? Pourquoi l’écouter ?
Il s’agit tout d’abord, bien évidemment d’écouter l’homélie. Surtout qu’elle s’annonce pour être aussi passionnante qu’exceptionnelle. Ce serait tout de même dommage d’en perdre une miette. Mais, nous le savons bien, en réalité ce n’est pas vraiment la voix du prédicateur qu’il est important d’écouter. Cette voix-là renvoie à une autre, qu’il est bien plus important encore d’écouter. La voix d’un autre prédicateur. La voix de Jean-Baptiste. C’est cette voix là qu’il convient d’écouter. Cette voix qui, comme celle du prédicateur de ce jour d’ailleurs, crie dans le désert. Cette voix qui nous invite à préparer le chemin du Seigneur et à aplanir sa route.
Mais, nous le savons bien, en réalité ce n’est pas non plus la voix de Jean-Baptiste qu’il est important d’écouter. Cette voix-là renvoie elle aussi à son tour à un autre bruit, qu’il est bien plus important encore d’écouter. Et ce bruit qui nous maintient en éveil, ce bruit auquel nous devons prêter l’oreille, c’est un bruit de pas.
Entendez-vous ? L’entendez-vous ? N’entendez-vous pas les bruits des pas du bien-aimé qui vient ? Car voici qu’il vient. Il arrive, nous dit le Cantique des Cantiques, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines. Semblable à une gazelle, à un jeune faon. Voilà qu’il se tient derrière notre mur. Il guette par la fenêtre, il épie par le treillis. Il élève la voix, et nous dit : “Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens’’ . Mais évidemment, ce bruit de pas ne se laisse pas facilement entendre. Seule la bien-aimée peut l’entendre. Car, nous le savons bien, l’essentiel est inaudible pour les oreilles. On n’entend bien qu’avec le cœur. Alors, écoutez, oui. Prêtez l’oreille, oui. Mais l’oreille de votre cœur. Entendez-vous, cette fois ? L’entendez-vous ? N’entendez-vous pas les bruits des pas du bien-aimé qui vient ? Car le voilà qui vient.
Il vient. Il est déjà venu, même. Et c’est d’ailleurs à cette venue-là que le temps de l’Avent semble nous préparer en tout premier lieu. C’est la venue du Christ en notre chair humaine. Son Incarnation. Sa naissance parmi nous. Dans une crèche, Dieu se fait petit d’homme. Il prend part à notre humanité pour nous donner par à sa divinité. Le bruit de pas que nous entendons ici est le bruit des premiers pas d’un petit enfant, titubant, dodelinant, comme hésitant. L’entendons-nous ? Le reconnaissons-nous ? C’est la première venue du Christ. Elle a eu lieu voilà 2000 ans. Mais ce n’est pas là sa seule venue.
Car il vient. Il est venu et il revient encore. Mais cette fois non pas dans une crèche de pierre et de bois. Mais dans une crèche de chair et de cœur. Il vient dans la crèche de notre cœur. Il vient établir sa demeure parmi nous, c’est-à-dire dans notre cœur, à chacun d’entre nous. Le bruit de pas que nous entendons ici est le bruit des pas de l’ami qui s’approche et frappe à la porte, mendiant, quêtant, suppliant pour que nous lui ouvrions. L’entendons-nous ? Le reconnaissons-nous ? Lui ouvrirons-nous ? C’est la deuxième venue du Christ. Elle a lieu tous les jours. Mais ce n’est pas encore sa dernière venue.
Car il vient. Il est venu, il revient et il reviendra encore. Mais cette fois il vient avec puissance et son bras est victorieux. Le fruit de sa victoire l’accompagne et ses trophées le précèdent. Comme un berger, il conduit son troupeau. Son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits . Et en réalité, c’est avant tout à cette venue-là que le temps de l’Avent nous prépare. Non pas d’abord celle dans la crèche, non pas d’abord celle dans notre cœur. Mais d’abord sa nouvelle venue, dans la gloire, qui marquera la fin des temps. Le bruit de pas que nous entendons ici est le bruit des pas du Christ Roi de l’univers qui vient juger les vivants et les morts pour rendre à chacun selon ses œuvres. C’est cette venue-là que nous attendons réellement aujourd’hui car elle est la seule qui soit encore à venir. Celle-là sera la dernière. Elle aura lieu un jour où nous ne l’attendrons peut-être plus.
Et cette venue-là nous réjouira. Elle nous réjouit même déjà, tel Jean-Baptiste qui se réjouit à la voix de l’époux. Cette venue-là nous réjouit déjà d’une joie d’espérance. Une joie qui nous fait espérer être heureux et qui nous rend heureux d’espérer. Mais ça, c’est une autre affaire, dont nous entendrons parler dimanche prochain. Pour l’heure, réveillez-vous ! Écoutez ! Réjouissez-vous ! Amen.