Résurrection et miséricorde

par 19 Avr 20202020, Homélies, Temps Pascal

Ce dimanche de l’octave de Pâques est aussi, par décision du saint Pape Jean Paul II, relayant une demande du Christ à Sœur Faustine, le dimanche de la miséricorde. Quel lien peut-on faire entre résurrection et miséricorde ?
 
La première lecture nous éclaire : « Dans sa grande miséricorde il nous a fait renaître pour une vivante espérance, grâce à la résurrection de Jésus d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra n corruption, ni souillure, ni flétrissure » (1P 1, 3). C’est le caractère baptismal de notre vie chrétienne, qui porte l’empreinte du mystère pascal : d’une mort pour une nouvelle naissance, celle d’un enfant de Dieu, fils et donc héritier, héritier de Dieu et cohéritier du Christ (Rm 8). La vie à laquelle nous naissons n’est autre que la vie éternelle, dont l’Apôtre Paul nous dit : « le salaire du péché, c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 6, 23). La vie éternelle est déclarée un don gratuit, le salut est miséricorde. Ce salut dont la première lecture nous disait qu’il est l’aboutissement de la foi : « vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi. »
 
Un seul et même temps est donc le temps de la résurrection, le temps du salut, le temps de la miséricorde et le temps de la foi. C’est ce temps qu’expérimentent les disciples dans l’Evangile de ce jour. Lors des apparitions de Jésus ressuscité ils ne le reconnaissent pas immédiatement. Quant à nous, aujourd’hui nous croyons et demain nous verrons. Eux, ils voient maintenant mais ne croient pas encore. Il leur faut reconnaître Jésus. Pour reconnaître quelqu’un il faut le connaître préalablement. Mais – paradoxe – le connaître empêche souvent de le reconnaître : ainsi les proches de Jésus qui le connaissaient comme le fils du charpentier Joseph peinaient à la reconnaître comme le Messie. Les disciples doivent passer de « Jésus est ressuscité » à « le Ressuscité, c’est Jésus », et non un esprit ou un fantôme. Pour y aider Jésus suscite la rencontre, se laisse voir et toucher, reconnaître comme le Crucifié et par là connaître comme le Ressuscité. Il est crucial qu’un seul et le même soit le Crucifié et le Ressuscité. 1 Co 2, 2 : « j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » ; 1 Jn 1, 1 : « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie… nous vous l’annonçons. »
 
Cette expérience de foi est notamment celle de l’apôtre Thomas. Celui-ci n’est pas un dernier de classe. Il est celui qui, lorsque Jésus se propose d’aller ranimer son ami Lazare, déclare aux autres disciples : « allons, nous aussi, et nous mourrons avec Jésus ». C’est en lui répondant que Jésus se dévoile comme « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Il est donc un intime de Jésus et il veut simplement expérimenter ce qu’ont vécu les autres disciples : rencontrer Jésus, le voir, le toucher. Il ne demande pas un privilège mais d’être à égalité d’expérience et de témoignage. Jésus accède à son désir et le presse de croire. Et cela nous vaut l’admirable confession de fois de Thomas : « mon Seigneur, et mon Dieu ». Il confesse que Jésus est Seigneur et Dieu en lui-même mais aussi pour lui : mon Seigneur et mon Dieu. Il s’approprie vitalement cette vérité et se laisse toucher par elle.
 
Cette expérience, sous cette modalité, est propre au groupe des Douze, capables d’attester l’identité du Crucifié et du Ressuscité. Désormais, la fois naîtra de l’écoute de leur témoignage. C’est pourquoi vaut de nous la béatitude énoncée par Jésus : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. » Ce qui consonne de nouveau avec la première lecture : « Lui (le Christ), vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi. »
 
Que l’aboutissement de notre foi soit le salut des âmes. De la nôtre d’abord, car « que sert à l’homme de gagner l’univers s’il en vient à perdre son âme » ? Que notre foi aussi œuvre au salut des âmes, comme nous le prions après chaque dizaine de chapelet : « conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde », écho de la prière de saint Dominique : « mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs » ? Tout l’être du prêcheur tient dans cette foi et dans la rencontre avec le Ressuscité.